Publié le 15 septembre 2018
Steven Le Hyaric

Steven Le Hyaric

DEUX ROUES ET DES MILLIERS DE REVES
VTT CYCLISME, AVENTURE
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VTT, Interview, Carnet de Voyage

Le sport comme un moyen et non comme finalité. C’est ainsi que l’on pourrait résumer la philosophie de Steven Le Hyaric quand il enfourche sa bicyclette. Ancien cycliste de haut niveau, le francilien de 32 ans a mis un terme à sa carrière professionnelle afin de rouler pour les autres plutôt que courir contre les autres.

Son premier projet l’a mené en Himalaya, qu’il a traversé à vélo, en 51 jours, au printemps dernier. Entretien avec un gars au coup de pédale tranchant qui aime s’échapper du peloton.

Qu’est-ce qui t’a motivé à changer de vie ?

Tout a commencé après les J.O de Rio en 2016, où je m’étais rendu en tant que chargé de la communication de la Fédération Française de Triathlon. J’ai ressenti une grande lassitude et connu une période de remise en question. Je n’avais plus aucune motivation, comme si je faisais une overdose du sport de haut niveau. Être athlète, cela sous-entend de structurer son quotidien autour de la performance, avec souvent des sacrifices. Je voulais sortir de cet univers. Moi, je roule par passion, parce que j’aime profondément faire du vélo, pas pour être premier du peloton. J’avais besoin d’aventure, je souhaitais donner du sens à mon existence. J’ai donc quitté mon job et suis parti au Népal.

C’est à ce moment-là que germe ton projet « Rêves d’Himalaya » ?

Non pas tout de suite. J’atterris à Katmandou en janvier 2017. Moi qui n’étais pas forcément un super élève, je me retrouve professeur dans une école des quartiers défavorisés de la ville. Ce qui me plaisait, c’était de les interroger sur leurs rêves, une question qui m’obnubile. Un week-end, en participant à l’opération « Everest Green » qui consistait à nettoyer les camps de base 1, 2 et 3, j’ai rencontré Jean-Michel Jorda, un alpiniste qui me raconte sa traversée de l’Himalaya à vélo. Il m’a raconté que c’était très dangereux, quasi-impossible et instantanément, j’ai eu envie de tenter l’aventure. Le projet « Rêves d’Himalaya » était né.

Comment passe-t-on d’une envie, d’un projet sur le papier, à une réalisation concrète ?

C’est clair que le passage de l’idée à la pratique fût assez compliqué. Il y avait deux paramètres à maîtriser. Le premier était sportif, le second logistique et financier.
Il fallait se préparer physiquement, car malgré mon passé de cycliste professionnel, parcourir le Great Himalaya Trail, soit 2 000 kilomètres et 90 000 mètres de dénivelé positif, en escaladant 20 cols à plus de 5000 mètres d’altitude dont 2 perchés à 6000 mètres, représentait un immense défi. Dans le même temps, j’ai démarché des partenaires pour les convaincre d’accompagner ce « petit gars du 93 qui veut traverser l’Himalaya d’est en ouest sur son mountain bike ». à un moment, je me suis retrouvé sans argent, donc je suis devenu livreur à vélo, une activité qui me permettait de jongler entre financement et entraînement. Ça m’a donné la rage et l’envie de réussir, coûte que coûte.

Comment s’est déroulée l’aventure ?

Ce fût un long chemin de croix ! Dès les premiers kilomètres, j’ai compris que ce serait extrêmement long et éreintant. Nous passions 15 heures par jour sur le vélo, à une altitude moyenne de 5 000 mètres, sur des terrains extrêmement techniques, où nous portions plus le vélo que nous ne roulions dessus. Aussi, j’ai payé au prix fort mon manque d’acclimatation en haute-montagne et le fait d’avoir réalisé la majorité de ma préparation à Paris… De plus, mon sherpa imposait un rythme très soutenu que je n’étais pas en mesure de ralentir puisque je n’avais pas les moyens financiers de lui payer des journées supplémentaires... J’ai donc courbé l’échine, du début à la fin, sans jamais rompre. 

Quand tu évoques ce projet, on a l’impression que la souffrance subie prend le dessus sur le plaisir ressenti ? 

Sur les 51 jours qu’il m’a fallu pour parcourir le Great Himalaya Trail, pas un moment ne s’est écoulé sans que je ressente de la souffrance physique. J’ai perdu 10 kilos dans l’aventure, ce qui témoigne de l’état d’épuisement dans lequel j’ai fini. À 10 jours de la fin, je suis tombé assez malade. Une intoxication alimentaire qui a rendu la tâche encore plus compliquée. J’ai le souvenir d’un vieux monsieur de 75 ans, le dos chargé, qui m’a doublé avec une facilité déconcertante. J’étais exténué, je voyais flou, une vraie crise de fièvre. J’ai cru que j’allais crever là, mais mon sherpa ne m’a pas laissé le choix. On devait repartir à 6h le lendemain matin. J’ai réussi à négocier une heure de rab’ puis on s’est remis en route. C’était un calvaire. Je n’avais qu’une hâte : boucler le projet et revoir mes proches.

Tu as quand même pris du plaisir sur cette aventure ?

Oui,  évidemment ! Mais sur des temps très courts, rapidement évincés par l’exigence physique de la performance. J’ai pris beaucoup de plaisir dans les rencontres, grâce aux nombreuses personnes croisées, qui ont enrichies mon expérience et nourries mes souvenirs.

J'ai donc courbé l'échine, du début à la fin, sans jamais rompre

Tu as bénéficié d’une assez forte exposition médiatique. Était-ce une pression supplémentaire ?

Effectivement, dès lors que j’avais convaincu des partenaires et des médias de me suivre dans cette aventure, je leur étais redevable, notamment en termes de création de contenu. Même lorsque j’étais vraiment dans le dur physiquement, je devais leur fournir des images. Cependant, être ainsi accompagné a donné une dimension collective au projet et, de fait, une saveur particulière. Passer à la télé et diffuser mon message sur un média avec une audience aussi généraliste était une ambition. J’espère avoir été inspirant, avoir donné envie aux gens de faire du sport et surtout de croire en leurs rêves…

Que retires-tu de cette expérience ?

J’ai appris l’humilité, car je n’étais absolument pas conscient de la difficulté de traverser l’Himalaya à vélo. Ce n’est pas de la prétention, simplement le fait que je suis porté par des rêves qui sont plus grands que moi. C’est un mélange d’inconscience et d’insouciance, que j’ai payé assez chèrement une fois sur place, mais qui font également ma force car sans cela, le projet n’aurait pas vu le jour…

J'espère avoir été inspirant, avoir donné envie aux gens de faire du sport et surtout de croire en leurs rêves...

De plus en plus de personnes se lancent dans ces défis personnels, au confluent du sport et de l’aventure. Comment expliques-tu cette tendance ?

Je pense que cela répond à un besoin de s’éprouver et de tester ses limites pour se sentir vivant. La performance sans le dossard, le dépassement de soi… ce sont autant de notions qui répondent à une quête de liberté. Personnellement, j’ai l’impression d’avoir fait l’école buissonnière toute ma vie. Comme si à 32 ans, je m’attachais à m’échapper du système avec cette sensation de faire perpétuellement quelque chose d’interdit. Parfois, je me retrouve à la terrasse d’un café, en train d’écrire un livre, je lève les yeux, et j’observe tous ces gens stressés, enfermés dans une routine, des normes et un costume taillé en fonction de ce que la société voudrait qu’ils soient… Moi, je suis mon propre patron. Demain, si je veux entamer un nouveau projet, rien ne m’en empêche, pour peu que celui-ci fasse sens. Si ton projet ne fait pas sens, si tu n’y crois pas profondément, les chances que tu le concrétises sont très faibles.

Justement, quels sont les projets qui vont donner du sens à ta vie dans les mois prochains ?

Tout d’abord, je travaille sur la rédaction d’un livre tiré de mon expérience sur le Great Himalaya, afin de raconter mon aventure, mais également d’identifier les apprentissages que j’en ai tirés. En parallèle, je planche sur un documentaire vidéo autour de cette même histoire. Il y aura des mots mais aussi des images. Enfin, je commence à mûrir un projet qui me fait véritablement rêver : traverser à vélo les 6 déserts les plus inhospitaliers du monde, un sur chaque continent. Mais sur celui-ci, bien que le besoin de se dépasser commence à me démanger, je veux vraiment prendre le temps de me préparer convenablement…

 

Interview : Baptiste Chassagne
Photos : Pehuen Grotti

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