Figure de proue d’une pratique en plein essor et surtout de plus en plus médiatisée, Marina Correia détonne dans l’univers du Longboard Dancing. La jeune femme de 23 ans, métisse, vient de remporter le titre
de Championne du Monde dans la discipline, devenant ainsi la première femme noire à décrocher le sésame. Un parcours atypique pour une skateuse à l’avenir prometteur, qui se sert de son talent pour abolir des clichés obsolètes mais encore bien tenaces. Portrait.
Le skateboard, le vrai, celui qui fait mal, celui que les puristes adulent, a énormément évolué depuis ses débuts dans les années 70. Un regain d’intérêt, ces dernières années, le remet aujourd’hui sur le devant de la scène. Et, dans son sillage, de nouvelles façons de le pratiquer voient le jour. Depuis quelques temps, des images d’un autre genre fleurissent sur les réseaux sociaux. Inspiré de la pratique que l’on dit de « cruising » ( « de croisière »), avec des planches plus longues et plus stables, le Longboard Dancing s’immisce tout doucement dans le paysage des sports de glisse. Curieux mix entre skate et danse, ce phénomène peut désormais compter sur la toute nouvelle championne du monde, Marina Correia, pour véhiculer son image positive tout autour de la planète.
UN SACREMENT "ON LINE"
Contexte sanitaire oblige, en 2020, c’est en ligne que les concurrents ont dû montrer leurs talents pour la compétition « So… you can longboard dance ? », destinée à sacrer le ou la championne. Un challenge qui devait normalement se dérouler aux Pays-Bas mais qui, au regard des événements, a proposé un format différent pour s’adapter. C’est donc une vidéo d’une minute, tournée sur la Promenade des Anglais à Nice, qui a permis à cette jeune skateuse de 23 ans de devenir la numéro 1 mondiale dans la discipline. Un titre remporté face à 6 autres candidates, toutes aussi talentueuses. Mais le style et la vitesse de la skateuse ont eu raison du savoir-faire des autres. Pourtant, les compétitions, ce n’est pas son truc. Cette épreuve était seulement la deuxième de son parcours, après une à Paris en 2019. La niçoise préférait jusqu’à présent se concentrer sur sa vie d’étudiante en fac de lettres et skater tranquillement avec ses potes dans les rues de sa ville. D’ailleurs, son crédo pourrait être « jamais sans ma planche », allant jusqu’à rouler 19h par jour en été… Une dévotion qui l’emmènera surement très loin dans ce sport.
Au final, le skate, c’est un sport individuel qu’on pratique en groupe
DU CAP-VERT AU PREMIER SPONSOR
On dit que Marina est française mais ce n’est pas tout à fait vrai. C’est seulement à l’âge de 14 ans qu’elle arrive à Nice, en 2012, après avoir passé son enfance au Cap-Vert, son pays d’origine. Là-bas, elle joue plutôt au foot avec les garçons. Une fois sur la côte d’azur, elle est intriguée par ces skateurs qui s’affairent sur leur planche. Son beau-père lui offre son premier skate, un petit cruiser. Puis, en utilisant le longboard d’un ami, elle tombe amoureuse de la sensation que lui procure l’engin. C’est le point de départ d’une passion pour la rideuse, presque d’une obsession. Elle enchaîne alors les allers-retours sur la « prom’ », de façon quotidienne et comme on dit, « le travail finit toujours par payer » et lui permet de se faire remarquer par une des marques les plus influentes dans le milieu du longboard, Sector 9. Cette dernière devient son premier sponsor, lui donnant le coup de pouce nécessaire pour se lancer à fond et prendre de l’assurance, à seulement 17 ans. Elle évolue ensuite parmi les « vrais », ceux qui rident en groupe, ceux qui en font leur style de vie.
Mais son apprentissage, ce n’est pas d’eux qu’elle le tire car comme elle le proclame dans une interview : « Au final, le skate, c’est un sport individuel qu’on pratique en groupe. »
Une indépendance que Marina a su mettre à profit pour exceller dans sa pratique, que la skateuse considère comme un moyen de s’exprimer, en toute liberté, la musique dans les oreilles et le sourire aux lèvres. Un sentiment communicatif lorsqu’on la voit enchaîner les pas sur sa planche, une joie de vivre et un style qui ne ressemble à aucun autre. Son style justement, à la croisée du pur esthétisme et de la technique, qu’elle sait maîtriser même lorsqu’elle tente ses Hippy Jumps ! Des sauts d’obstacles qui défient la gravité et que Marina dompte sans difficultés, allant jusqu’à 1 m 20 au dessus de son skate ! C’est sûrement cette adresse qui lui permet aujourd’hui d’être propulsée sur le devant de la scène, et avec elle, un bouleversement de clichés bien installés, détrônés pour laisser la place à de nouveaux codes dans le milieu.
Curieux mix entre skate et danse, ce phénomène peut désormais compter sur la toute nouvelle championne du mondE
LOIN DES CLICHÉS
Encore en 2021, les préjugés ont la dent dure. Si tu ne rentres pas dans le moule, si tu es différent, certains se plairont à le faire remarquer. Une chance que Marina Correia ait eu la tête plus dure que ces clichés. En devenant la première femme noire à obtenir ce titre de Championne en Longboard Dancing, elle a prouvé que peu importe ses origines, on peut toujours réussir à faire ce qui nous passionne, même dans un monde où l’on voudrait nous dire que nous n’avons pas notre place. Une reconnaissance du milieu pour Marina qui se dévouait corps et âme au longboard depuis quelques temps déjà et ce, malgré les remarques désobligeantes auxquelles elle faisait face selon lesquelles « une fille, ça ne skate pas », ou bien « le skate c’est un sport de blancs ». Des commentaires qui ont pullulé sur les réseaux sociaux, et notamment sur Twitter, lorsqu’elle a annoncé sa victoire sur son compte. Un cyber-harcèlement gratuit de la part d’internautes particulièrement haineux : « Félicitations mais tu n’es pas noire », « Ok c’est cool mais s’il te plaît évite de voler le titre aux vraies femmes noires ». Des paroles dures, injustifiées, terribles pour une femme qui cherche simplement à vivre sa passion.
Au lieu de plomber son moral, ces critiques lui ont donné la force, qu’elle a su transformer pour devenir championne
« Pour ces gens-là être une femme noire c’est avoir la peau très foncée, avoir des parents africains et les cheveux crépus. Mon père biologique est brésilien, ma mère vient du Cap-vert : je ne vais pas dire que je suis blanche quand même ! » a-t-elle déclaré si justement dans une interview. (source : Ouest France )
Au lieu de plomber son moral, toutes ces critiques lui ont plutôt donné une force, qu’elle a su transformer pour devenir une championne.
Grâce à cette popularité, la jeune femme est aussi devenue un symbole pour de nombreuses petites filles qui rêvent de lui ressembler. Un étendard de « superstar » dont elle compte bien se servir pour militer contre les préjugés dont elle a été victime et s’assurer que chaque enfant, quel que soit son genre ou son ethnie, ait la possibilité de faire ce qu’il aime. Aujourd’hui, l’avenir de Marina Correia s’annonce très prometteur. Les propositions fusent autour de cette talentueuse skateuse qui compte bien tirer profit de cet engouement en continuant à faire évoluer sa pratique. Mais pas seulement. Même en dépit de son jeune âge, la jeune femme reste réaliste quant au côté éphémère de la notoriété et souhaite s’en servir pour mener à bien des projets qui lui tiennent à coeur, comme d’aider les minorités et proposer des activités autour du longboard dans les orphelinats, les maisons pour jeunes ou les hôpitaux.
Une belle leçon sur le principe du donner-recevoir que l’on souhaite se voir réaliser dans un avenir très proche. Bonne chance Marina !
D'Olivia Bergamaschi