« Marin, dessine-moi ton idéal de cycliste, dessine-moi ce qui t’anime et ce qui te fait avancer » C’est en somme comme ça que nous aurions pu commencer nos échanges, de façon formelle, dans le vif du sujet et dans le clair de la question… Pourtant, Marin, à seulement 26 ans, se distingue bien au-delà de ses exploits cyclistes. Ses triomphes lors des prestigieuses courses d'ultra-endurance, telles que l'Atlas Mountain Race, ainsi que ses performances remarquables lors de la Transcontinental (TCR), qui traverse l'Europe en vélo, ne sont que la face visible de son parcours hors normes. Marin est de ces influenceurs, pas ceux dont on se moque, mais ceux qui éveillent l'inspiration et stimulent les passions.
Celui qui habite désormais en Suisse s'engage corps et âme dans une quête de performance à travers des épreuves d’ultra-endurance, grâce à son vélo et sa détermination sans bornes. Découvrez le portrait figé d'un homme libre, pourtant en perpétuel mouvement, telle la brise vers son élément naturel : la liberté, l'exploration et le bonheur de vivre de sa passion.
Du béton à l’infini !
Marin grandit dans les rues parisiennes, milieu urbain qui ne laisse rien présager de son avenir fait de vastes horizons et de grands espaces. Ses premiers pas à la découverte du monde bétonné s'effectuent déjà grâce à son fidèle Fixie, qui lui fait connaître les premiers frissons du vent sur son visage, l’adrénaline des freinages et les communautés cyclistes qui lui ouvrent de belles perspectives.
S'orientant vers une formation en dessin industriel, Marin sait comment hisser les voiles de son ambition. Ainsi, il pose le pied à Lausanne, à l'ECAL, et mêle l’utile à l’agréable en testant différents sports locaux comme le ski ou la randonnée. Sa passion pour les sports outdoor et les possibilités qu'ils offrent ne fait que grandir.
Pourtant, des vents différents vont l’amener à repenser son voyage tracé, car il découvre, à 19 ans, l’existence de la Transcontinental Race, la fameuse TCR, l’une des premières courses d’ultra endurance à vélo qui parcourt l’Europe, chaque année d’un trajet différent, d’Ouest en Est, le tout en totale autonomie. Cette découverte le bouleverse, l’intrigue, et surtout, exerce sur lui une attirance magnétique !
C’est cette attirance qui va porter Marin vers « l’ultra », bien qu’il n’aime pas à ce mot. C’est donc à 19 ans qu’il décide de s’inscrire à cette course atypique, bien qu’il soit recalé pour cette première tentative. Ses 20 ans le verront effectuer sa première TCR, et la terminer, 1 heure avant la dernière barrière horaire ! Malgré de belles péripéties Marin est séduit, il est même piqué ! Ça y est, il a ça dans le sang et dans ses veines : le froid qui saisit, le bruit du pneu qui frotte contre le bitume. Il le sait, il reviendra. Mieux préparé, plus fort, plus vite.
Ses 20 ans le verront effectuer sa première TCR, et la terminer, 1 heure avant la dernière barrière horaire
Dessiner un vélo pour dessiner une vie
Mais avant de revenir à la TCR, quelque chose se passe, à l’approche de la fin de ses études, Marin dessine, et dessine bien. Alors Marin, dessine-nous un vélo ! Le petit prodige aux multiples talents se passionne désormais pour la création de son outil préféré. Son projet de fin d’étude consiste à concevoir un vélo de A à Z, en puisant dans son esprit et en s'appuyant sur ses connaissances actuelles. En 2018, il concrétise cette vision en réalisant le vélo de ses rêves. Utilisant de l'acier, incorporant des sacoches intégrées et peaufinant une géométrie plus ou moins optimale, il parvient à créer un modèle parfaitement fonctionnel. Ce vélo accomplira même une nouvelle TCR sans le moindre accroc, démontrant sa fiabilité ! Cet exemple d’un savoir-faire transcendant l'acquis démontre que le talent de Marin ne se limite pas à ses connaissances théoriques. Il s'enracine aussi dans la finesse d’un travail artisanal et prouve que Marin n’a besoin de personne pour aller là où se pose son regard pour donner vie aux créations de son esprit et avancer dans le plus dur des ultras qu'est la vie !
Une vie qu’il aime tordre, tel un forgeron pliant un cadre d'acier. Marin modèle sa vie pour l'harmoniser avec ses désirs profonds et ses valeurs.
Son projet de fin d’étude consiste à concevoir un vélo de A à Z
Il devient alors coursier à vélo, logique me diriez-vous, et s’engage pleinement dans ce job aussi passionnant que fatiguant. À travers ses différents choix, Marin dessine son propre vélo, construit sa vie, assemble les tubes de souvenirs qui forgent son identité et fait tourner les pédales, ou plutôt les roues, propulsant sa quête incessante de nouveaux projets.
Prenant une pause avec la mythique TCR, Marin s’essaye aux courses off road, et c’est, là aussi, un déclic puissant. Finalement, le jeune navigateur de terre ferme se passionne pour le monde du cycle dans son ensemble, au-delà de l’objet. Pour l’essence même de ce qu’est le vélo : cette liberté avouée, assumée, cette solitude de l’instant, cet outil de découverte incomparable, cette rare flamme de beauté brute de dépassement de soi. Tout cela à la fois.
Pour lui, rien ne vaut le déplacement par ses propres moyens, un déplacement « propre »
Il découvre la Silk Road Mountain Race, au Kirghizistan, qui est au off road ultra ce qu’est la TCR à l’ultra sur route. Mais comme Marin ne fait rien comme les autres, il y va en vélo, à travers un voyage de presque 3 mois. Pour lui, rien ne vaut le déplacement par ses propres moyens, un déplacement « propre ». Un choix fort et assumé de ne pas prendre l’avion pour se rendre sur ses courses. Il finira dans les 10 premiers, recousant son pneu lui-même lors des dernières 24h de courses, prouvant une fois encore que savoir naviguer en solitaire sur des terres inhospitalières n’est pas un problème pour lui, bien au contraire, c’est là qu’il y trouve sa raison d’être.
Un pourquoi qui se dessine donc quand on le questionne sur toutes ses raisons de rouler, de continuer à pousser les curseurs, de faire de telles courses et aller là où il pose ses roues.
Une quête de sens, à deux roues
Alors, Marin, Pourquoi roules-tu ? Pourquoi roulons-nous ? Et pourquoi le vélo ?
Du tac au tac, d’un coup de dérailleur, Marin répond « Je fais du vélo car j’aime l’objet, celui qui permet d’amener le corps partout, qui démultiplie sa force et qui permet d’aller loin, vite, et bien, proprement. »
Il y a donc une fascination de l’objet au niveau du design, du propos même de l’objet, de sa raison d’être, mais qu’en est-il de l’aspect philosophique, de ce souhait de pousser le corps jusqu’au prochain col, de découvrir cette nouvelle route, d’arriver dans des lieux inconnus ? Pourquoi cette passion ?
Comme un grimpeur se lève sur ses pédales, Marin reprend « Cette passion du vélo en lui-même s’est mêlée à ma passion de l’aventure, celle qui m’a amenée à Lausanne. De ce désir du voyage et de l’aventure est née ma véritable passion pour l’ultra et la performance. C’est le voyage qui m’a amené à l’ultra et aujourd’hui j’arrive à lier les deux. »
Lors de l’échange, on ressent la passion, la vraie, celle qui prend aux tripes et qui transpire. C’est aussi car il aime vivre dehors qu’il souhaite « faire sa part » comme il le dit si bien. Aucun avion pour se rendre sur les courses, Marin y va à vélo, en train ou en bateau. Fidèle à ses convictions, à ses valeurs, et ses envies. Selon lui, la mobilité durable doit être un outil et non une contrainte.
Il confie « Ça me parait absurde de prendre l’avion pour faire des courses ou des vacances à vélo à l’autre bout du monde. Ça a commencé petit à petit, et puis aujourd’hui c’est un peu ma marque de fabrique. Ça me permet d’allier l’utile à l’agréable. Par exemple, le Maroc, c’est faisable de Marseille, évidemment, il y a la question du coût, mais j’en fais moins, je parle de sobriété heureuse ! »
Plutôt discret sur les réseaux, il se démarque de toutes ces stars de l’ultra qui vivent autant pour le vélo que pour
les caméras
De ses rêves de jeune cycliste, peu de choses ont changé. Par contre, aujourd’hui Marin vise la performance. Il s’entraine avec un coach, agit et réfléchit comme un athlète de haut niveau et prépare ses courses minutieusement. La passion a migré, elle n’a pas changé en substance, juste de forme, et s’oriente vers la quête du haut niveau ; de la performance très long terme.
Les sponsors placent leur confiance en lui, lui offrant un soutien logistique et financier pour conquérir les courses les plus exigeantes et entreprendre les voyages les plus mémorables. Une récompense méritée pour un homme qui s'immerge corps et âme dans sa passion. L'année prochaine le verra participer à ses trois courses de prédilection : l'Atlas Mountain Race (Maroc), l'Hellenic Mountain Race (Grèce) et la Silk Road Mountain Race (Kirghizistan), le tout en reliant ces événements à vélo et en parcourant trois continents. Un projet à la mesure du cycliste que nous venons de vous présenter.
De ses rêves de jeune cycliste, peu de choses ont changé. aujourd’hui Marin vise la performance
Au délà de l’horizon
Quand Oxmo Puccino parle d’aller au-delà de l’horizon, il évoque la notion de dépasser ses propres limites, aller vers l’inconnu, croire au destin, ou tout cela à la fois. Marin l’a bien compris, et intègre cette maxime au quotidien, en l'appliquant à sa vie et à sa passion.
Marin est de ces cyclistes passionnés, attiré par des valeurs fortes et profondes. Très discret sur les réseaux sociaux, il se démarque de toutes ces nouvelles stars de l’ultra qui vivent autant pour le vélo que pour les caméras. Marin est un navigateur qui ne navigue pas d’océans en océans, mais de massifs en massifs. Son navire n'est pas un voilier mais le vent lui-même, qu'il apprivoise tantôt en affrontant sa résistance, tantôt en se laissant le porter, utilisant son vélo, ce simple objet parfois complexe, mais qui lui procure une telle liberté. Marin se pare de cartes, de pneus, de caoutchouc et d'acier, se préparant à défier les grandes courses sur 3 continents. Tel un véritable esthète, il se mue en athlète extraordinaire de l'ultra-endurance, navigateur intrépide des routes inexplorées …
Texte Nathan Vitu