Au-delà des liens de parenté, d’un nombre respectable de bougies sur le gâteau d’anniversaire, d’un brushing soigné et d’une moue décontenancée au moment de s’asseoir devant un ordinateur, une grand-mère, c’est avant tout un condensé de bonté, de patience et de douceur enrobés dans une robe de chambre ultra-stylée à l’instant de s’attabler au petit-déjeuner. Françoise ne porte pas de robe de chambre mais un tablier. Un bleu de travail qu’elle enfile chaque matin de juillet, dès l’aube, avant même l’heure des croissants. Ceci pour sustenter les 8 coureurs de l’équipe bretonne Arkea-Samsic, dont Warren Barguil, champion de France en titre, grand animateur du Tour et pourfendeur de sieste revendiqué. Porridge, omelettes, jus de fruit pressé mais surtout sourire, gentillesse et efficacité... Françoise leur prépare de quoi bien attaquer la journée. Voire même de quoi porter une attaque lors de l’étape du Jour. Puis, après un rangement express, elle se mettra en route, avec son camion, sa cuisine itinérante, jusqu’à l’hôtel suivant. Françoise y attendra ses « enfants », comme elle les surnomme affectueusement, en s’attelant à la confection du dîner et des collations du lendemain. Une routine bien huilée, presque autant que les bolides en carbone que les athlètes déposent à l’improviste contre sa fourgonnette avant de s’accouder au comptoir, pour siroter un café et discuter. Discuter souvent de tout, parfois de rien. Loin de clamer un statut de Première Dame du Tour de France, celle qui fût l’une des pionnières à s’imposer dans cet univers gonflé de testostérones et d’endorphines oeuvre et concilie ses deux passions, le vélo et la cuisine, dans l’ombre, derrière les fourneaux, depuis près de 30 ans. Discussion autour de la marmite, pendant que la confiture mijote, avec Françoise, cette Bonne-Maman à bicyclette.
Comment devient-on la cuisinière d’une équipe professionnelle de cyclisme ? Est-ce une vocation, un concours de circonstance ?
Cela s’est fait de manière totalement fortuite... Un coup de chance. Je suis passionnée de cyclisme depuis l’adolescence. Dès 19 ans, je prenais la voiture pour me rendre sur toutes les courses possibles en tant que spectatrice. Puis, en 1986, alors que le Tour venait de commencer depuis 4 ou 5 jours, je reçois un appel de Cyrille Guimard alors manager de l’équipe Système U. Il m’informe que le chauffeur du camping-car du Team a un problème. Il connaissait mon amour du vélo et me propose alors de remplacer ce dernier au pied-lever. J’accepte sans hésitation. Me voilà donc au volant d’un énorme engin, engagée sur les routes du Tour. Je préparais les collations d’après-course, je mettais la table, je m’occupais du linge... Je suis partie la fleur au fusil et j’ai tout simplement adoré !
CAMPING-CAR, ENTRECÔTE & SYSTÈME U
Je suis partie la fleur au fusil et j’ai tout simplement adoré !
Ce métier se situe au confluent de deux passions : la cuisine et le vélo. Comment sont nées chacune d’entre elle ?
La gastronomie, c’est une histoire de famille. Un truc inscrit dans mon patrimoine génétique. Mes parents étaient bouchers, charcutiers et traiteurs. Mes grands-parents tenaient également une maison de bouche dont ils avaient hérité de mes arrière-grands-parents... Je les ai suivis dans cette voie et en ai fait une profession, puisqu’à l’année, je suis responsable des stages dans école dédiée aux métiers de l’hôtellerie, à Saint Ghislain, en Belgique. Puis, je passe l’été sur le Tour. Le Tour, même si c’est très intense, cela demeure un vrai plaisir, comme des vacances.
Et votre passion pour les deux roues, comment vous-est-elle venue ?
Lorsque j’étais encore adolescente, un jeune cycliste âgé de tout juste 15 ans venait assez régulièrement à la boucherie familiale. Un jour, mon père lui promet une entrecôte s’il remporte la course suivante. La semaine d’après, il est revenu avec le bouquet de fleurs remis au vainqueur. Issu d’un milieu social populaire, il a alors demandé, plutôt que la fameuse tranche de viande rouge, de pouvoir venir s’installer avec nous, à la maison, afin d’y trouver un cadre beaucoup plus propice à la pratique du sport à haut-niveau. Il s’appelait José Samyn. Un coureur très talentueux qui a même remporté une étape de la Grande Boucle avant de décéder, à seulement 23 ans, d’un accident sur les routes d’un Critérium d’après-Tour. Ses copains Cyrille Guimard, les frères Vasseur, Luc Leblanc continuaient cependant de nous rendre visite. Grandir en côtoyant ces champions m’a donné la fibre...
Votre histoire avec le Tour débute donc dans les années 1980. Racontez-nous le chemin qui vous a mené jusqu’aux cuisines d’Arkea-Samsic sur le Tour 2019 : est-il linéaire comme une étape de plaine ou escarpé comme une étape de montagne ?
J’ai d’abord suivi l’équipe Système U devenue Castorama. Puis, en 1997, Cyrille (Guimard) met sur pied l’équipe Cofidis. L’aventure dure alors près de 10 ans. J’effectue avec eux les trois grands Tours (France, Italie et Espagne). Mais en 2008, je dois m’arrêter pour des raisons familiales. Plus possible de m’absenter ainsi 4 semaines en été. Une parenthèse qui s’étend sur près de 8 ans. J’étais passée à autre chose... Jusqu’à ce qu’Emmanuel Hubert ne m’appelle en 2017. Il avait un réel besoin pour accompagner ses cyclistes en stage. Je dis oui pour une semaine, puis pour une course et finalement, sans le savoir, c’était reparti...
Mon camion, ce n'est pas la caravane, mais l'auberge du tour!
TRANSFERT, GÂTEAU DE RIZ & DIÉTÉTIQUE
Qu’est-ce que vous aimez par-dessus tout dans ce rôle ?
Plus que vivre le Tour de France, c’est se rendre utile pour des garçons qui donnent le meilleur d’eux-mêmes. C’est une passion avant tout. Ce n’est pas mon métier principal. C’est très intense et fatiguant, mais j’ai plaisir à les aider, un peu comme si c’était mes enfants. Ou même mes petits-enfants car ce qui est assez drôle, c’est que je m’occupe aujourd’hui de coureurs qui sont les fils de certains anciens professionnels avec qui j’avais déjà travaillé.
Sur le Tour, votre quotidien est particulièrement intense. Pouvez-vous nous raconter Le déroulement d’une journée ?
Mon réveil sonne à 5h45. Je m’attèle alors à la préparation du petit-déjeuner qui doit être servi pour 8h. Une fois que mes 8 coureurs ont terminé, je range, charge le camion et prend la route pour l’hôtel suivant. Généralement, le transfert dure 3 heures. J’arrive sur place aux alentours de midi, m’installe au plus près de la salle de restauration et récupère les marchandises commandées auprès du Chef de l’établissement. En amont du Tour, j’ai en effet envoyé à chaque hôtel le menu détaillé du panier qu’ils sont censés recevoir. Même si j’ai toujours du stock au cas où ! Je commence alors par la préparation de leur collation du lendemain : celle qu’ils mangeront pendant la course, des gâteaux de riz ou de semoule ; ainsi que celles, sucrée et salée, avec lesquelles ils se sustenteront dans le bus, juste après l’étape. Enfin, une fois cette première tâche terminée, je me lance dans la confection du dîner. Ils passent à table aux alentours de 20h. Ceci afin de leur laisser un temps de digestion pour qu’ils puissent se coucher légers et ainsi dormir d’un sommeil lourd.
« Un dîner réussi ? Parfaitement équilibré, entre diététique, variété et gourmandise. Ce sont les trois critères primordiaux ! »
Durant tout ce temps passé derrière les fourneaux, vous avez quand même le temps de jeter un œil à l’étape du jour ?
Bien évidemment (du tac o tac) ! J’ai la télévision dans mon camion. Je dirais même qu’elle fait partie des ustensiles indispensables.
Quels sont les secrets d’un dîner réussi pour un coureur cycliste sur le Tour de France ?
Il faut que celui soit parfaitement équilibré, entre diététique, variété et gourmandise. Ce sont les trois critères primordiaux ! Je dois veiller à ce que nos athlètes reçoivent tous les apports nutritionnels dont ils ont besoin, pour récupérer mais également faire des réserves en vue du lendemain. Pour cela, je bénéficie des recommandations du médecin. Ensuite, à moi de composer avec ses directives pour confectionner des assiettes appétissantes et diversifiées d’un soir à l’autre, car mine de rien, trois semaines c’est long...
4 GRAMMES, POMMES DE TERRE À L’ITALIENNE & PETITES ATTENTION
Envisager que gourmandise et diététique sont conciliables dans une seule et même assiette est assez difficile. Vous nous confirmez qu’épicurisme et ascétisme ne sont pas incompatibles ?
Affirmatif ! Je dis souvent que je nourris tout autant la tête que l’estomac. Il est complexe de s’imaginer combien ces garçons s’impliquent, combien ils vont loin dans le dépassement de soi. Je m’attache donc à faire de chaque repas un moment agréable. Cela passe par des menus « lights », adaptés scientifiquement à leur pratique, mais gourmands, réconfortants.
Le plaisir dans l’assiette est donc un vecteur de performance ?
Oui, mon objectif est qu’ils arrivent les jambes lourdes mais repartent l’esprit léger ! Mon camion, ce n’est pas la caravane mais l’auberge du Tour ! Un endroit convivial où ils sont heureux de s’attabler avec leurs coéquipiers, où ils ressentent une espèce d’osmose, comme sur le vélo ! Ce sont de super garçons, vraiment très aimables, polis, reconnaissants... Ils méritent que l’on donne le meilleur de nous-mêmes à leur égard. Je connais les régimes alimentaires de chacun et me plie en quatre pour répondre par de petites attentions aux demandes qu’ils peuvent émettre.
Vous avez des exemples précis de petites attentions ?
Tout d’abord, j’essaye d’adapter le menu à l’étape du jour et à celle du lendemain. Si nous sommes entre deux étapes de montagne, je vais privilégier un apport très diététique à base de sucres lents directs, des pâtes ou du riz, et de 180 grammes de protéines très facilement digestes, c’est à dire de la viande blanche ou du poisson. Cependant, si l’on est au-devant d’une journée de repos, je m’autorise une viande rouge et des pommes de terre à l’italienne, cuites au four avec de l’huile d’olive et du romarin. Ensuite, je tâche de m’adapter aux conditions de course. S’ils ont roulé sous une chaleur caniculaire, j’opte pour une entrée fraîche à base de légumes verts, de la salade, des haricots, des épinards, des brocolis... plutôt qu’un potage. Et inversement, si la météo a été dantesque. Enfin, je pense que les coureurs évoqueraient certainement le fameux petit carré de chocolat...
De quoi retourne cette anecdote du « petit chocolat » ?
Souvent, après le dîner, certains reviennent s’accouder aux mange-debout disposés autour du camion pour boire une tisane et discuter. Ils me font la conversation pendant que je range. Et si par mégarde, j’ai le malheur d’oublier le petit chocolat qui va avec, ils me rappellent directement à l’ordre : « T’aurais pas oublié quelque chose ? » (Sourire) C’est un simple carré de chocolat qui ne pèse que 4 grammes. L’impact physique de cette entorse n’est rien en comparaison de l’influence positive que cela peut jouer sur leur mental !
PRESTIDIGITATION, MASCARPONE & ITINÉRANCE
En fait, vous trompez l’esprit et l’estomac avec des menus qui, d’aspect, sont très gourmands mais qui se révèlent en réalité très « healthy » ?
Exactement ! Vous ne connaissez pas la mousse au chocolat sans chocolat ? Avec des pois chiches et une cuillère de poudre de cacao ! Ou bien le Tiramisu sans mascarpone ? À base de fromage blanc !
« Vous ne connaissez pas la mousse au chocolat sans chocolat ? »
D’où vient cette inspiration ?
Je répertorie de nombreuses notes dans un petit cahier qui me suit partout... Parfois, il m’arrive de me réveiller en sursaut la nuit avec une idée en tête, que je m’empresse de coucher sur le papier avant qu’elle ne m’échappe. Puis, je profite de l’hiver pour mener une vraie phase d’expérimentation. Je teste toutes mes nouvelles recettes en amont de la saison. Je ne leur préparerai jamais un plat que je n’ai pas goûté et validé au préalable.
Au-delà de ces qualités de prestidigitations, quelles sont les qualités qui fondent un bon cuisinier sur le Tour de France ?
(Spontanément, sans aucun temps de réflexion) Il doit avant tout aimer le vélo. D’un amour profond et authentique. Ceci pour pouvoir comprendre ses coureurs et anticiper ce qu’ils attendent de lui, sans trop les solliciter, en les déchargeant au maximum. Si tu n’as pas cette passion et cette sensibilité, tu ne peux faire long feu face au rythme frénétique et l’exigence que t’imposent le cyclisme professionnel.
Pour conclure, on peut affirmer que votre camion est devenu un lieu emblématique de l’équipe Arkéa-Samsic ?
Oui, mon camion s’est mué en véritable lieu de vie, en point de rassemblement. Je ne saurais expliquer comment et pourquoi il est devenu aussi symbolique, mais je pense qu’il contribue à cimenter l’esprit d’équipe, à fortifier les liens d’amitiés qui peuvent exister au sein de notre collectif... C’est un baromètre de la vie du groupe. J’y repère assez facilement un coureur fatigué, qui n’est pas dans son assiette, aux sens courant et figuré du terme ! En fait, ce camion, c’est une maison itinérante. La maison d’une famille de nomades. Il fait partie de moi désormais!
Escalopes de dinde à l’Italienne
- 8 escalopes de dinde très fines et assez grandes
- 2 aubergines
- 8 fines tranches de jambon de Parme
- 8 tomates
- 500g de champignons
- Herbes de Provence - sel - poivre
Couper les aubergines en fines tranches sur la longueur du légumes et les griller dans un peu d’huile d’olive
Etaler les escalopes y déposer 1 tranche de jambon de Parme et une belle tranche d’aubergine
Rouler sans peser l’escalope y mettre un petit bâtonnet pour que cela tienne
Emonder les tomates, enlever les pépins et découper en dés de plus ou moins 1cm et réserver
Laver et émincer les champignons et les faire sauter dans un peu d’huile d’olive et réserver
Mettre les escalopes roulées dans un peu d’huile d’olive et les colorer
Cuire doucement au four 180°
A mi-cuisson jeter en pluie les tomates et les champignons
Un peu de sel, du poivre et des herbes de Provence et terminer la cuisson
Si le jus de cuisson est trop liquide, délayer une cuillère à café de Maizena et l’ajouter en mélangeant vivement
• Servir avec des tagliatelles cuites Al dente avec bien entendu du parmesan