Publié le 30 septembre 2024
Le voyage engagé au Schreckhorn de Vivian Bruchez et Aurélien Lardy
Crédit photo : © DR
Carnet de voyage

Le voyage engagé au Schreckhorn de Vivian Bruchez et Aurélien Lardy

La montagne sauvage, à la maison
ESCALADE ALPINISME, SPORTS D'HIVER, IMAGES
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Certains font d’un sommet de 4000 m le but d’une vie. D’autres les collectionnent, parfois tentent même des records. Et puis, il y a des gens spéciaux. Des gens pour qui ces sommets sont leur évasion, pour qui ces endroits sont leur raison. Leur raison de vivre, de respirer. Leur raison d’être libres, voire d’espérer. Vivian Bruchez fait partie de ces oiseaux-là. Ceux qui tutoient les cimes. Lui, il le fait différemment, souvent, à l’aide de ses skis, toujours. Il s’est d’ailleurs lancé un défi fou : skier les 82 sommets de plus de 4000 m des Alpes.

Dans cette quête, des classiques, évidemment, et puis des montagnes inattendues, plus sauvages, plus méconnues. Le Schreckhorn fait partie de ces mystères. La plus septentrionale des montagnes bernoises sait se faire discrète et joue de cela pour n’attirer que les plus braves. Aurélien Lardy et Vivian Bruchez sont de cette trame-là, et en juin dernier, ils gravirent cette montagne, puis la descendirent à ski, tout en y allant et en rentrant de façon originale, via trains et surtout packrafts. Récit

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Une histoire d’amitié

Vivian, dans sa quête unique, s’entoure. Il s’entoure de guides, de photographes, de vidéastes, de collègues de la montagne, mais surtout de passionnés. Il ne fallut pas longtemps pour trouver son compagnon de cordée : Aurélien Lardy. Celui-ci l’accompagne dans de nombreuses aventures et revenait tout juste d’Alaska, où il usa de tous les moyens de locomotion naturels possibles pour s’y déplacer : ski, kayak, pulka, etc. Une vraie amitié d’abord, et une évidence ensuite.

Car Vivian, lui, avait une idée en tête. Effectivement, il souhaitait skier ce sommet unique, mais il souhaitait aussi et surtout le faire de façon engagée. Un aller-retour en train, une descente post-sommet en packraft sur les rives du Rhône, pour un voyage local unique autour de la maison, Vallorcine, et une première à ski sur les pentes du Schreckhorn pour couronner le tout.

Pour Aurélien, il n’en fallait pas plus pour s’engager corps et âme dans l’aventure et sa préparation. Rien de facile cela dit, vu la montagne et le peu d’informations dont ils disposaient. La logistique aussi du projet en imposait. Il fallait construire quelque chose de beau, c’est certain, mais aussi le faire bien, proprement. Un style alpin dans son plus pur exercice, face à un fantôme dont les skieurs ne savaient presque rien.

Faire face à face

Car devant eux se dresse un mur. Une pyramide. Trois faces de montagne, pour un face-à-face avec le ski, avec ses rêves, avec la vie dans son ensemble. Les conditions depuis le printemps sont excellentes, c’est une certitude. Mais le Schreckhorn est construit d’une telle façon que les deux alpinistes vont devoir affronter toutes les conditions, toutes les expositions, toutes les situations. Une préparation millimétrée, pour anticiper tous les skis possibles, toutes les éventualités de montagne imaginables. D’ailleurs, très peu de littérature est offerte par ce sommet.

Trois faces de montagne, pour un face-à-face avec le ski, avec ses rêves, avec la vie dans son ensemble.

C’est une aura spéciale. La face, peu empruntée, est encore très sauvage, et il n’y a pas, sur ses sommets immaculés, d’autoroute de crampons, de camp de base, de traces fraîches. On y laisse parler son instinct. On y laisse sentir son flair, on y exprime toute son expérience, et pourtant cela ne suffit pas. Il faut plus, il faut cette graine de folie, cette intuition de l’alpiniste, ce petit plus qui caractérise les grandes cordées.

Pour arriver au refuge le plus haut, la marche d’approche est déjà de six heures. C’est donc avec les corps fatigués et endoloris qu’Aurélien et Vivian atteignent leur premier objectif. Le lendemain, dans la nuit, avant même les premières lueurs de l’aube, la cordée attaque la mystique montagne. Les conditions sont bonnes, excellentes même, dira Aurélien. Ils avancent à vue. Jamais cette montagne n’a été skiée, et aucune trace ne les aide à faire les bons choix.

Après de nombreuses heures, des passages délicats sur les arêtes, les deux athlètes parviennent presque au sommet. Poussé par cette envie spéciale, Vivian atteint le sommet occidental, tandis qu’Aurélien prépare déjà la descente, une dizaine de mètres plus bas, sur le sommet oriental. Un de plus pour Vivian, qui se rapproche du graal, et pour Aurélien, qui complète encore une fois sa collection déjà impressionnante de sommets emblématiques dans les Alpes.

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l’heure du ski

Déjà, il est l’heure du ski. Déjà, il est l’heure de cette partie dont raffolent les deux chamoniards. Du ski précis, engagé, millimétré, quasi chirurgical. Aucune place à l’erreur, aucun droit au doute, aucun espace d’hésitation. Tout est et tout doit être parfait. Au bon moment, dans le bon sens.

Mais ces deux skieurs hors-pair sont au bon endroit, là où ils excellent. Là où toute la somme de leur talent parle, là où leurs émotions s’expriment, là où la liberté prend vraiment sens pour eux. Alors, mètre après mètre, spatule après spatule, ils avancent, ils descendent. Et, de par la géologie de la montagne, ils parviennent à accéder aux différentes faces, skiant ainsi quasiment toute la montagne, sous toutes ses faces, sous toutes ses neiges. De la glace à la bonne poudreuse, puis la belle moquette de printemps que tous les amoureux du ski hors-piste dégustent sans fin.

C’est alors la meilleure partie de la descente en termes de ski, Vivian et Aurélien dégustent. Ils savourent. Le Schreckhorn ne s’est pas offert à eux, il a fallu le dompter, mais il s’est laissé découvrir, et cette descente à ski mémorable restera longtemps comme un bel exploit, si loin de nos habitudes, pourtant pas si éloigné de nos lieux de vie.

Le Schreckhorn ne s’est pas offert à eux, il a fallu le dompter, mais il s’est laissé découvrir.

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l’heure de rentrer 

Et puis, comme ça, déjà, il est l’heure de rentrer. Si ces aventures ont toujours un goût si spécial, c’est qu’elles savent jouer avec le temps. Tantôt accéléré, tantôt ralenti, ce dernier est malléable sur ces sommets, sur ces arêtes, et dans nos souvenirs. Mais il est toujours l’heure, à un moment ou à un autre, de rentrer.

Nos deux compères, là encore, font du neuf avec du simple. Du local avec nos montagnes, et ils prévoient un voyage sans aucune émission, tout à la force physique, aux trains, et surtout via un retour sur les berges du Rhône en packraft. Cela pourrait être anecdotique, quand l’exploit consiste normalement à avoir skié une montagne sauvage et peu connue.

Alors, cette descente du Rhône pourrait être considérée comme superflue, comme inutile par certains. Pour tous les autres, elle se doit d’être soulignée, comme la touche finale d’une aventure déjà unique, qui se termine de la plus belle des façons. Après avoir gravi les sommets enneigés, on redescend avec cette même neige, transformée, qui nous transporte, après nous avoir portés.

Probablement la plus belle manière de dire merci à la montagne, et de lui rendre hommage. 

Pourtant, l’effort et l’esthétisme de ce dernier se doivent d’être soulignés, d’être sublimés. Quand les films les plus connus de montagne mettent en avant des faces inconnues en Amérique du Sud ou au Pakistan, quand les efforts des athlètes sont minimisés par rapport au nombre de followers sur les réseaux sociaux, certains irréductibles font des choses belles, des choses fortes, des choses engagées, dans tous les sens du terme.

 

Texte de Nathan Vitu

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