Le premier sentiment est déterminant. C’est ce sentiment qui doit engager le renoncement, avant qu’il ne soit trop tard et qui fait résonner le fameux dicton « quand il y a un doute, il n’y a plus de doute. ».
L’ÉQUILIBRE BÉNÉFICES/RISQUES
En montagne, quelle que soit l’altitude, quelle que soit la pente, il y a un risque inhérent, la gestion de ce risque constitue alors l’engagement dans chaque pratique.
Le renoncement est l’autre plateau de la balance… « Il faut peser l’équilibre bénéfices/risques. Si ça vaut vraiment le coup, je vais alors commencer à regarder comment minimiser les risques pour me lancer. En revanche, si mon risque est plus élevé que mon bénéfice, à ce moment-là, il faut se poser la question du pourquoi je fais ça ? Pourquoi je vais prendre ce risque ? Quelles sont les raisons de mon engagement ? Est-ce que je suis là pour moi ? Est-ce que je suis là pour prouver quelque chose ? Est-ce que je suis là pour quelqu’un d’autre ? »
Renoncer, c’est avoir la liberté de choisir…
« La personnalité ne s'affirme jamais plus qu'en renonçant. » André Gide
Au-delà de l’équilibre bénéfices/risques, un autre équilibre indispensable doit déterminer l’avancée ou non dans un projet pour Vivian ; un équilibre triangulaire, posé par une question clé : est-ce que je suis au bon moment, au bon endroit, avec les bonnes personnes ? « Il faut toujours ses trois critères pour se décider et se lancer. Quand les trois sont réunis ou ne sont pas réunis, c’est assez facile de prendre une décision, mais quand il manque un ingrédient, c’est là où il faut savoir se poser les bonnes questions et alors essayer de trouver un nouvel angle de vu. »
DERRIÈRE LE RENONCEMENT…
« Nous ne savons renoncer à rien. Nous ne savons qu'échanger une chose contre une autre. » Sigmund Freud
Chaque demi-tour nous emmène ailleurs, sur un autre chemin, pour un nouveau départ. Si ce n’est pas ce sommet, ce jour-ci, ce sera un autre sommet ou un autre jour. Le renoncement n’est pas un échec, c’est une façon de choisir une autre option et ne pas se donner en proie au danger
« Le renoncement, je le prends aussi dans ce sens : ça me permet de durer plus longtemps dans le temps. Peut-être que mon plan A n’était pas le bon, mais je peux avoir un super plan B qui me permettra de rentrer chez moi sans la peur au ventre. Pour tous projets, il faut visualiser aussi les alternatives pour que le renoncement ne soit jamais un tiraillement. Il faut repérer tous les points clés d’une journée et pour chaque point, avoir toujours une échappatoire. Le renoncement est beaucoup plus facile s’il est anticipé. »
LE RENONCEMENT EST BEAUCOUP PLUS FACILE S’IL EST ANTICIPÉ.
Honorin Hamard : « Renoncer c’est savoir abandonner, sans se résilier pour la prochaine fois. »
Entre les montagnes, la terre et la mer, il y a un autre monde, un monde invisible, un monde de sensations, un monde de volupté et de tumulte, un monde aérien où de nombreux terriens se sont brulé les ailes…
Quand la neige se perle et se craque, quand l’eau gronde et bouillonne, l’air cache parfois ses humeurs dans sa transparence, tous les amateurs de vol libre ont appris qu’il faut toujours se méfier des apparences…
En parapente, prévisions et observations sont les maîtres mots, attente et renoncement, des habitudes dans le quotidien des pilotes…
Comme on dit dans le milieu : « Mieux vaut regretter d’être au sol que regretter d’être en l’air ! » et ainsi savoir garder les pieds sur terre, pour mieux s’envoyer en l’air…
Champion du Monde 2015, champion d’Europe 2016, champion de France 2018 et 2019 et médaillé de bronze des derniers championnats d’Europe, le parapentiste Honorin Hamard n’en est pas à son premier vol et connait bien les caprices des cieux. Spécialiste du vol de distance, il a passé des heures en l’air, il a survolé le monde suspendu à son bout de tissu en se frayant un chemin dans le ciel, flirtant avec les reliefs et tourbillonnant sous les nuages…
Le 21 juillet dernier, Honorin décollait du col de Bleine dans les Alpes maritimes pour tenter un nouveau record de site : voler plus de 300 kilomètres en « triangle FAI » un triangle quasi équilatéral, homologué par la Fédération Aéronautique Internationale.
« Pour passer la barre des 300 km, il faut voler vite et ne pas faire d’erreurs. » Honorin décolle alors le plus tôt possible pour se donner toutes les chances, mais très vite, les conditions en l’air sont venues ternir l’objectif de record…
« De 9h à 11h, j’étais encore en confort, de 11h à 12h, en attaquant les faces sud / sud-ouest, ce n’était plus du tout la même histoire ! Je n’étais vraiment pas bien dans les thermiques, j’avais pas mal de fermetures, ça commençait vraiment à secouer… C’est à ce moment que j’ai décidé de ne pas continuer, même si j’étais encore potentiellement dans le timing pour le record. En faisant demi-tour, mon objectif était d’aller poser le plus en sécurité possible. Pour rester dans le timing et garder l’objectif de record, il aurait fallu pousser et surement prendre des fermetures encore plus violentes et donc prendre plus de risque… »
De retour au sol, Honorin, n’avait pas battu le record du monde, mais était sur ses deux pieds, bien vivant et sans regret !
LE RENONCEMENT CONTRE L’ERREUR
Face aux lois de la nature, il est impossible de tout prévoir, même avec la plus grande analyse et l’expérience, les éléments peuvent toujours nous échapper. « Ce qui est très difficile en parapente, c’est de savoir à l’avance comment va être la masse d’air, elle est invisible et il n’y a pas toujours d’indicateurs… Mais une fois en l’air, quand on se fait surprendre, c’est là où il faut savoir renoncer, faire demi-tour et aller poser à temps. »
Si les conditions visibles ne souffrent aucune discussion au renoncement avant le décollage, en l’air, l’inconnue peut faire du renoncement un objectif.
RENONCEMENT ET PASSION
« La conscience est la conséquence du renoncement aux pulsions. » Sigmund Freud
Quand le soleil inonde de lumière l’horizon et pose sur un piédestal le sommet visé, il n’est pas toujours facile d’enlever ses œillères…
Honorin ne cache pas la difficulté du choix parfois : « C’est difficile de choisir, on est dans l’excitation du vol, on a envie de continuer parce que les conditions ont l’air belles, le ciel est beau, il y a de beaux cumulus, on sent que l’on pourrait voler encore longtemps mais la masse d’air est trop forte… C’est une décision qui n’est pas facile à prendre, je ne saurais pas dire comment la prendre, elle dépend de chaque pilote. Chacun à sa propre sensation, ses propres indicateurs selon son niveau et son expérience. Mais il vaut toujours mieux gâcher un beau vol que de se retrouver sans aucune marge de sécurité. Il m’est arrivé de prendre de mauvaises décisions, elles m’ont appris à dire stop plus tôt la fois d’après, en revanche, je n’ai jamais regretté d’avoir renoncé… »
Honorin Hamard, le compétiteur, a de nombreux objectifs ; des objectifs de records, de premières et de podiums avec le ciel en toile de fond, Honorin Hamard, le passionné, a cette « envie de repousser les limites tout en gardant une peur raisonnée. » Cette raison qui le rend humain et apte à renoncer pour mieux recommencer !