Si Annecy ne revendique pas le football comme une tradition, le FC Annecy s’avance lui comme une institution. Fondé en 1927, le club est un acteur historique du rayonnement sportif de la ville.
Pourtant, malgré ce riche passé, le FC Annecy évolue au présent dans un relatif anonymat, dans l’ombre de disciplines individuelles outdoor qui ont construit la réputation internationale de la « Venise des Alpes ». Le futur est cependant espéré radieux puisque l’équipe fanion, actuellement en National 2, la 4ème division française, est, depuis deux saisons, très proche de gravir la marche qui mènera le club vers le football professionnel. L’optimisme est plus que jamais de mise pour l’exercice 2018-2019 : montée et ascension sont choses communes dans une cité entourée de montagnes.
Redoublement de passes, une-deux et entretien offensif avec celui qui incarne certainement le mieux le projet, les valeurs et les ambitions du club : Jonathan Gonçalves (29 ans), capitaine emblématique de l’équipe première. Joueur du FC Annecy depuis l’âge de 9 ans, le défenseur central nous ferait presque regretter de par son discours pondéré et son éloquence raffinée l’absence de conférence de presse au niveau amateur.
Tu joues au FC Annecy depuis plus de 20 ans. Le club a-t-il évolué ?
Oui, c’est une certitude. Le club a beaucoup évolué depuis mon arrivée en 1998. J’ai effectué toutes mes classes au FC Annecy et je peux vous affirmer que la dynamique positive est palpable. Surtout lors des dernières années où nous récoltons les fruits de ce qui a été semé au préalable. Au début des années 2000, le club a amorcé un projet de reconstruction afin de construire une structure saine et solide, en mettant notamment l’accent sur la formation et le perfectionnement des jeunes, désormais arrivés à maturité. Le résultat est probant puisque l’équipe fanion est passée de la 7ème à la 4ème division française, aux portes du professionnalisme, en seulement 4 ans. Et cela avec près de 80% de joueurs formés au club.
Cette progression sportive très rapide exige d’élever chaque année son niveau…
En tant que footballeur, nous avons progressé en même temps que le club, tâchant d’élever notre niveau au fur et à mesure des promotions. Plus récemment, le club a également recruté pour nous permettre d’être davantage compétitifs face aux exigences du National 2. Mais grâce à une ossature assez stable dans le groupe, les valeurs et l’esprit qui animent cette équipe demeurent inchangés. On transpire un véritable amour du maillot. Personnellement, j’aime profondément le FC Annecy. Ce ne sont pas des paroles en l’air. Ce n’est pas mon club, car il survivra bien après moi, mais c’est ma famille. C’est donc une immense fierté d’en être arrivé là ! Et ce n’est peut-être pas fini (d’un sourire qui peine à cacher une grande ambition)…
Quels sont les ingrédients pour franchir enfin ce palier du haut niveau ?
En fait, je pense que l’ingrédient principal, c’est la patience. Cela se ressent d’ailleurs dans le discours des dirigeants qui revendiquent un projet sur le long terme, avec la volonté d’établir une structure pérenne, non pas seulement pour l’équipe première, mais pour l’ensemble du club, jusqu’à l’école de foot. Nous avons été marqués au fer rouge par les mésaventures d’Evian-Thonon-Gaillard (liquidation judiciaire en 2016 après avoir tutoyé les cimes du football français). Ils ont grandi très rapidement. Peut-être trop rapidement. Nos accessions aux divisions supérieures se sont enchainées mais sont néanmoins maîtrisées, puisqu’en parallèle, le club se structure et mise sur la formation.
Tu vois d’autres ingrédients indispensables pour agrémenter cette recette du succès ?
Bien sûr. Je pense que poursuivre ce travail de formation avec les jeunes, qui représentent le futur du FC Annecy, s’ils n’en sont pas déjà le présent, est primordial. En effet, ils symbolisent l’avenir et j’espère sincèrement qu’ils seront nombreux à porter le maillot de l’équipe première demain. Aussi, il faut que nous soyons fidèles à nos valeurs et à notre philosophie de jeu. En tant que capitaine et ancien du club, je fais en sorte de les véhiculer au maximum. Le « Fécé » s’est construit sur ce socle de valeurs, il est hors de question de le galvauder. En ce qui concerne le terrain, le beau jeu et le plaisir constituent une pierre angulaire du projet proposé par le coach, mais seulement à partir du moment où ils ne précèdent pas l’impératif de résultat. Si nous ne sommes pas bons sur l’aire de jeu, si nous ne nous battons pas chaque week-end pour ramener les 3 points, il est plus difficile d’enclencher un cercle vertueux et de travailler dans la sérénité. C’est la vérité du rectangle vert.
L’appétit vient en mangeant paraît-il. Quelles sont donc vos ambitions pour cette saison ?
La langue de bois est autorisée ? (Un temps de réflexion. Malicieux.) Plus sérieusement, il convient d’être très prudent lorsqu’on évoque les ambitions pour cette saison. Nous avons raté de peu l’accession au National (3ème division) lors des deux années précédentes. Échouer aussi près, cela nourrit nécessairement des aspirations et des attentes… Le souhait partagé par tous, est d’écrire une nouvelle page de l’histoire du FC Annecy en atteignant dans le futur les échelons supérieurs. Les moyens qui sont mis en œuvre ainsi que le recrutement réalisé, de grande qualité, vont dans ce sens. Cependant, le football n’est pas une science exacte, l’équation présente trop de variables pour que nous puissions évoquer la montée sans paraître présomptueux. Il faut donc travailler avec rigueur et se donner les moyens de ses ambitions !
Cela signifie faire du football son métier ?
Cela veut dire rehausser chaque année son degré d’exigence. Après, la décision de se consacrer au foot est propre à chacun. C’est vrai que je fais partie des rares joueurs qui exercent une activité professionnelle à côté. Je conseille les entreprises dans la protection sociale. Ce double-projet est à la fois une force et une faiblesse. Une faiblesse car il est compliqué de jongler entre les journées de travail, parfois intenses, et les 5 entrainements quotidiens plus le match et le déplacement du week-end. Quand tu as passé 8h au bureau et que tu dois ensuite chausser les crampons, tu as quelquesfois un peu moins d’énergie. Le rythme est donc soutenu et tu dois mettre à profit chaque moment de récupération. Mais a contrario, c’est aussi une force puisqu’il me permet de conserver une stimulation intellectuelle différente et de continuer à appréhender le foot comme une passion et non un métier !
Annecy est une « terre de sport » qui ne compte aucun club de sport collectif professionnel. Normalité ou anomalie ?
Houlà… Je ne veux surtout pas verser dans la prise de position politique ou stratégique… (Il réfléchit. Sérieux.) Il est certain que la ville constitue un terrain de jeu idyllique pour les sports de montagne et que le cadre, alpin, contribue à leur succès. Mais je ne pense pas que la popularité des sports individuels phagocyte celle des disciplines collectives. Par contre, les combats de nos dirigeants, parfois menés de haute lutte, pour obtenir certaines facilités, notamment concernant les terrains, témoignent d’une certaine inertie. Encore une fois, je ne suis qu’un joueur et ne maîtrise donc pas les tenants et aboutissants de ces sujets. Il est ainsi difficile d’émettre un avis éclairé.
Ressens-tu un manque de soutien ou d’enthousiasme ?
Non. Mr Rigaut est un grand sportif, qui encourage sa pratique en considérant que cela apporte un supplément d’âme à la ville. D’ailleurs, il est régulièrement présent en tribunes et a su transmettre la passion du ballon rond à son fils, un supporter fidèle qui vit quasiment chacun de nos matchs à domicile au bord de la pelouse. Simplement, à Annecy, plusieurs clubs de sports collectifs évoluent à bon niveau, notamment le rugby, le handball ou le hockey. J’imagine que c’est un choix que de ne pas prioriser l’un, ce qui de fait appauvrirait les autres. Dans une logique de formation des jeunes, il paraît alors compréhensible de pousser tous les curseurs à des niveaux comparables, sans en privilégier un plutôt qu’un autre. Cela n’est pas la conséquence d’un manque de soutien mais d’une stratégie égalitaire assez légitime. À nous donc de faire le job sur le terrain pour honorer la confiance accordée.
En conclusion, y-a-t’il de place pour un club de football professionnel au FC Annecy ?
Oui. Et c’est un grand « oui » ! Certes Annecy a l’image d’une ville cossue et le football celle d’un sport populaire. Mais les deux ne sont pas antinomiques. Pas plus que la noblesse d’esprit des sports de montagne est incompatible avec nos valeurs. Annecy mérite une équipe de foot de haut niveau ! Parce que le passé footballistique y est riche et que la ville entretient une vraie culture du sport. On sent une ferveur latente qui ne demande qu’à être éveillée par nos résultats. Un enthousiasme qui croit en même temps que nos performances. Le football est un sport qui génère des émotions magnifiques, c’est un formidable vecteur de fraternité et de solidarité. Je rêve de voir le Parc des Sports en fusion. Et je suis certain que l’épopée magnifique des Bleus en Russie (conclue par un second titre de champion du monde) va nous aider dans cette quête !
Interview : Baptiste Chassagne
Photos : Droits réservés