Des montagnes, des lacs, des rivières… La Suisse, bucolique, cultive cette image de nature et de sérénité, que le Monde lui connait. Un décor qui, au delà des stéréotypes, abriterait aussi une grande communauté de surfeurs.
Un pays qui n’a pas de côtes peut-il vraiment compter presqu’autant de pratiquants qu’en France? Dom Daher, Patricia Oudit et Christophe Margot ont décidé de suivre ces Suisses, adeptes des vagues, dans une websérie prévue pour le printemps 2021. Un clin d’oeil à la culture du surf helvète qui montre qu’une passion peut surmonter toutes les difficultés, y compris un terrain de jeu qui, a priori, n’invite pas aux « bottom turns ».
Surprenant, le sujet de Landlocked ne date pourtant pas d’hier. En effet, le surf suisse existe depuis un certain nombre d’années. Comme un secret bien gardé par les surfeurs locaux qui ne divulguent pas leurs spots de prédilection si facilement. Dans un pays « où l’on compte autant de snowboardeurs et de skieurs que de vaches à lait », les cours ou étendues d’eau propices à la glisse ne manquent pas et les passionnés ont ici trouvé de quoi assouvir leur soif de « swell ».
Landlocked est une websérie inédite, issue de la créativité de 3 spécialistes de l’Outdoor et des histoires, qui est sur le point de révolutionner notre considération de ce petit pays enclavé qui, malgré sa position géographique exempte de côtes, abrite l’une des plus grosses communautés de surfeurs au monde.
Curieux de cet engouement, Dom, Patricia et Christophe sont partis sur les traces de ce club très fermé, dont les membres sont attirés par l’eau de façon presque compulsive, étudiant les cartes, la météo, les débits des rivières… Car oui, en Suisse, pour surfer, on regarde si le débit des cours d’eau se modifie, si une tempête se prépare du côté du Léman ou, éventuellement, si un créneau est dispo au tout nouveau Wave Garden basé à Sion… Les codes sont quelque peu différents du surf dit « classique » et contribuent à faire de la pratique helvète un véritable condensé de pépites jusqu’à présent bien trop dissimulées. Landlocked va contribuer à lui rendre hommage au travers d’interviews de pratiquants et de pros surfeurs, de sessions en eau froide, d’anecdotes de « Tontons surfeurs », pionniers de la glisse dans le pays et de toutes ces histoires qui font de ce sport ce qu’il est aujourd’hui, entretenant en quelque sorte une légende longtemps demeurée secrète. Chose révolue désormais avec Landlocked ! Car l’équipe de la websérie a tout décortiqué, tout déniché pour nous permettre de comprendre au mieux ce que signifie réellement « surfer en Suisse ».
« Ces vidéos résultent d’une enquête journalistique. On raconte ce qu’est le surf suisse dans ses dimensions historiques et sociologiques, mais on évoque aussi son futur. Et autour de ça, on s’est demandé ce qu’était la quête du surfeur, cette quête incarnée par nos 2 personnages singuliers, Valentin et Esteban et leur road trip à la recherche de la vague parfaite. Dom Daher, qui joue les poils à gratter dans chaque épisode, amène la touche Neuf Dixième, un peu décalée. Ce documentaire n’est pas adressé qu’aux surfeurs, mais bien à tout le monde. Le but est aussi d’y apprendre des choses, même si l’on n’est pas pratiquant. C’est ce que l’on voulait transmettre. » confie Patricia Oudit.
On raconte ce qu’est le surf suisse dans ses dimensions historiques et sociologiques, mais on évoque aussi son futur.
Tout est parti d’une volonté de travailler ensemble, de créer un projet commun. À l’heure où nous étions tous confinés, que le monde avait enclenché le mode « pause », les cerveaux de la fine équipe eux étaient loin de se poser. Ils réfléchissaient à un sujet qu’ils pourraient creuser ensemble et au cours d’une de leurs nombreuses conversations, Dom dit : « Il y a de plus en plus de surfeurs sur le lac, ce serait bien qu’on en parle »… D’abord, les rires des deux autres. Puis, finalement, l’enthousiasme. Surtout que le voisin de Christophe Margot, qui apparaîtra dans la série, est l’un de ces spécimens surfeurs du pays. C’est bon ils tiennent leur sujet ! Patricia raconte :
« Ça a suffit à aiguiser ma curiosité! J’ai commencé à faire des recherches et je me suis aperçu qu’il y avait plusieurs dizaines de milliers de surfeurs en Suisse pour un pays de 8,7 millions d’habitants, ce qui est statistiquement assez énorme. Après avoir vérifié les chiffres, on s’est aperçu qu’il y avait quasiment autant de surfeurs en Suisse qu’en France avec ses 450 000 licenciés ! »
Mais alors, avec un sujet si prometteur, pourquoi une websérie plutôt qu’un long-métrage?
Simplement parce que le projet est auto-produit. Être indépendants comme ils le souhaitent, c’est aussi avoir les moyens financiers de produire sans sponsors. Tout est pour ainsi dire fait-maison ici. Christophe gère la réalisation, Dom les images et la comédie ( NDLR, Dom fait régulièrement des apparitions « remarquées » dans les vidéos ), Patricia le storytelling et le fil rouge de l’histoire. Il y a même le fils de Patricia qui participe au projet en créant la musique sur chaque épisode. Finalement, ce format, divisé en plusieurs actes, leur convient bien. Il permet d’aborder chacun sous un angle différent, de raconter une histoire, de façon brève, fun et décalée. L’option idéale pour parler d’un sujet aussi méconnu que doté de multiples ramifications qui les emmèneront aux quatre coins du pays. En tout, ce sont une dizaine d’épisodes qui sont prévus, relayés sur Youtube et ce dès le mois de juin 2021. Sachant que l’idée d’un long format, diffusé dans un deuxième temps, n’est pas exclue…
Objectivement, on pourrait se demander comment un territoire sans mer, sans océan, a-t-il pu développer une culture du surf aussi prononcée.
Selon Patricia, ceci pourrait venir de son histoire et de ses relations internationales :
« On a recherché les explications de ce phénomène, récupéré des interviews, des données… D’après ce qu’on a pu recueillir, cela pourrait venir de la proximité de la Suisse avec les grosses organisations internationales, notamment américaines. Dans les années 70, beaucoup d’Américains, de Californiens, sont venus s’installer ici, amenant avec eux la culture des vagues, mais aussi tout ce microcosme autour des sports de glisse. Par exemple, la suisse est le premier pays d’Europe à avoir vu des skateurs ».
Après avoir vérifié les chiffres, on s’est aperçu qu’il y avait quasiment autant de surfeurs en suisse qu’en France avec ses 450 000 licenciés !
Il y a aussi, bien sûr, la prédominance des sports d’hiver.
« On explore aussi les rapports entre snowboard et surf. Nicolas Hale Woods, directeur du Freeride World Tour (NDLR, FWT = compétition internationale de ski et de snowboard freeride née en Suisse ) a créé, à l’époque, la première association de surf du pays. Ce n’est qu’ensuite qu’il a imaginé le FWT et non l’inverse, ce qui est assez étrange finalement dans un territoire de montagnes! C’est donc grâce au surf qu’il a pu imaginer l’Extrême de Verbier. »
Des influences qui ont façonné le style de vie d’une partie de la population suisse et qui dévoilent aujourd’hui toute une communauté passionnée et impliquée. Car oui, « le surfeur suisse a la dalle, il a les crocs ! » selon les mots de la journaliste. Les pratiquants sont, en effet, capables de parcourir de nombreux kilomètres pour apaiser leur soif de vagues, allant des fois jusqu’à faire des heures de route rien que pour se contenter de conditions parfois moyennes. Peu importe, ils auront surfé et seront satisfaits de leur session. Une dévotion totale qui contribue à faire de ce petit pays une terre de surfeurs, et probablement à créer de futurs champions dans la discipline. Car, la relève du surf suisse a de beaux jours devant elle avec le tout nouveau Wave garden qui vient d’ouvrir à Sion, dans le canton du Valais, le Alaïa Bay. Une vague artificielle massive, au pied des montagnes, qui risque fort de faire monter le niveau. En attendant sa petite soeur, déjà en construction du côté de Zurich… Deux énormes projets qui démontrent bien l’engouement des locaux pour le sport et celui des institutions pour l’intérêt que cela apporte à la nation pour Patricia :
« C’est LE sport qui est en train de monter. J’ai pu lire une étude faite par un universitaire en 2015 sur le sujet et déjà à l’époque, ce rapport disait que c’était 30% d’expansion par an ! »
Une dévotion totale qui contribue à faire de ce petit pays une terre de surfeurs
« C’est LE sport qui est en train de monter. J’ai pu lire une étude faite par un universitaire en 2015 sur le sujet et déjà à l’époque, ce rapport disait que c’était 30% d’expansion par an ! »
Loin de nous l’idée de spoiler les aventures à venir, mais une chose est sûre, la fine équipe à l’origine de la websérie compte bien nous surprendre au fil des épisodes. Aucun doute qu’avec un tel concentré de talents, de personnages et d’histoires rocambolesques, ce documentaire inédit changera à jamais notre vision des surfeurs helvètes.
« Nous avions de quoi montrer aux incrédules et aux sceptiques que la Suisse est bien un grand pays de Surf. Après ça, plus personne ne nous dira : le surf QUOI ? ».
D'Olivia Bergamaschi