Laetitia Roux

LA SKIEUSE FRANCAISE LA PLUS MÉDAILLÉE S'INVENTE UNE NOUVELLE VIE

Aussi discrète qu’efficace sur les skis, la plus grande championne de ski-alpinisme au monde ne compte plus ses médailles. À 32 ans et 11 ans de carrière à haut-niveau, elle domine la discipline la plus exigeante de la randonnée. Rencontre avec une grande championne de ski, méconnue.

Comment te décrirais-tu en tant que sportive ?

J’ai grandi en montagne, je suis une amoureuse des sports de glisse. J’ai toujours fait des sports d’endurance et d’outdoor. Le ski-alpinisme, pour moi, résume tout : sport d’endurance exigeant qui se pratique en pleine montagne, dans un environnement sauvage, qui combine la difficulté sportive à la montée et à la descente… à quoi je rajoute le côté évasion, le dépassement de soi, car j’aime me faire violence !

Es-tu capable de profiter de la montagne à ton niveau ?

En compétition, je ne profite pas de la montagne ! Je suis très concentrée, sauf sur les formats longs qui permettent de respirer un peu et de lever la tête. Régulièrement, on me demande si j’ai vu la croix au sommet, mais non, je n’ai rien vu ! À l’entraînement, c’est autre chose… et c’est pour cela que j’aime le sport, on peut s’entraîner partout en montagne, dans un milieu qui nous offre tous les jours un environnement différent, il faut s’adapter. À l’inverse, en athlétisme par exemple, les athlètes peuvent tout gérer au centième près. Nous, c’est plus compliqué : la neige, le vent, le froid, tout change tout le temps.

Le ski-alpinisme, malgré son exigence, est un sport relativement confidentiel dans les médias…

Au début, c’était déprimant de s’investir dans la communication de mon sport et de décrocher péniblement des parutions régionales… la croix et la bannière…  Mais ça progresse… Il y a un engouement lié au développement de la randonnée loisir. C’est vrai que c’est frustrant d’être dans un « petit » sport, de passer le même nombre d’heures d’entraînement que les athlètes des autres sports d’endurance et de galérer pour rechercher des partenaires, d’autant que le sport n’est pas olympique (il le sera, pour les jeunes, en 2020). L’avantage, c’est que l’ambiance est très bonne sur les compétitions, très conviviale, les amateurs sont mélangés aux pros… Pour avoir fait du ski alpin et du VTT sur le circuit français, le ski-alpi est vraiment plus cool… il y a aussi moins d’enjeux.

Qu’est-ce qui te motive aujourd’hui, avec les tonnes de médailles que tu as déjà ?

Au début de ma carrière, j’avais comme objectif de remporter la Pierra Menta (course de référence mondiale que Laetitia a remporté 7 fois, ndlr), ou telle Coupe du monde dans telle ou telle discipline. Aujourd’hui, j’ai fait le tour du circuit et je n’ai plus la même motivation. J’aime ce style de vie en général, j’aime m’entrainer, me donner des objectifs, me donner les moyens de les atteindre, un rythme de vie toujours à 3000 à l’heure, planifier les choses, faire attention à ce que je mange… De la rigueur tous les jours ! Je ne suis pas capable de faire les choses à moitié ! J’ai envie, maintenant, d’alléger la compétition pour m’occuper de projets parallèles, tout en restant dans le milieu du ski- alpinisme. J’ai un projet basé sur la transmission de mon expérience… mais je ne peux pas en dire plus !

Parles-nous quand même du Women Skimo Project ?

C’est une websérie dont l’objectif est de donner envie aux filles de s’investir davantage dans le sport et le ski de rando, à travers des rencontres autour du monde. Le premier épisode se passe au Japon où l’on rencontre des filles qui ont osé s’impliquer dans des projets courageux ou qui ont un métier d’homme (comme guide de montagne). En partageant ces histoires, on montre que c’est possible, qu’il faut oser !

Interview : Guillaume Desmurs