Sommet éclipsé dans l’ombre de son voisin le « Nun-Kun », « Gyalu-ri » (5898 m) fait désormais partie des grands. La « montagne prince » s’attribue d’un nom à l’image des trois jeunes qui ont fait de sa face une descente en ski mémorable. Ces trois jeunes : Damien Arnaud, Mathieu Moullier et Jules Socié sont certainement les nouveaux princes de l’imminente génération du ski de pente raide. Certains pourraient associer cette adrénaline à de l’insouciance et pourtant cette frivolité est bien réfléchie.
Après avoir rencontré le réalisateur Andy et le skieur Damien lors du Chamonix Film Festival, une vive curiosité de découvrir ce nouveau film s'est installée. Une discussion rythmée d’anecdotes d’expéditions, de l’influence de Marco Siffredi, d’une vision du ski version rock’n’roll, hors des cases, et d’une histoire commune entre générations, le film promettait d’être spécial.
CHANGEMENT DE PLAN
Partis pour conquérir la face nord du « Nun-Kun », située en Himalaya indienne, cette pente vertigineuse de 1 600 mètres à 55 degrés, tout ne va pas se passer comme prévu. Un permis trop court pour s’acclimater, une fenêtre météo qui semble inespérée, les trois riders tentent le tout-pour-le-tout mais se confrontent à un mur : le sommet comme inaccessible. Un échec, peut-être diriez-vous, mais ce serait mal connaître ces trois-là face à l’adversité. Repéré depuis le camp de base, “Gaylu-ri”, encore sans nom, sera le plan B : “Même si on avait réussi le plan A, on aurait quand même fait cette descente.”
LA FAMILLE & LES POTES
Point de départ : Chamonix, berceau qui façonne tous ces nouveaux athlètes. “Il y avait un regard et une idée de base sur ce le film qui était axée sur Damien parce qu’on est plus ou moins dans la même famille, je l’ai vu grandir."
Damien et Mathieu, eux, sont potes depuis le collège et se connaissent comme personne : “On a plus besoin de discuter en montagne pour se mettre d’accord” disait Damien. Ils rencontrent alors Jules au Pérou et l’Inde sera leur prochaine expédition ensemble : “Jules, c’est quelqu’un qui a un mental d’acier et qui est très sympa, très facile à vivre.” Mais quand les problématiques arrivent, les liens se resserrent et “ce n’est plus une cordée qui se parle, c'est des meilleurs amis qui essaient de se remotiver et de repartir de l’avant. C’est assez marquant parce que tu es plus en mode, je suis concentré à aller en montagne, tu switches et tu repasses en mode, il faut que je sois là pour mes proches” expliquait Damien.
Peu importe ce qui allait se passer, mon regard était porté sur cette jeunesse à travers Damien, et la proximité que j’ai avec lui.
MARCO SIFFREDI COMME MODÈLE INTERGÉNÉRATIONNEL
Figure inoubliable chamoniarde de la pente raide, Marco Siffredi est de ces athlètes qui marque les générations. Disparu à seulement 23 ans, lors de la descente sur la Face Hornbein de l’Everest en snowboard, Marco continue d’inspirer par sa philosophie et vision de la montagne : “Si tu veux pas jouer un peu, faut pas aller en montagne. Quoi qu'il arrive tu joues un peu”. L’identification de Damien à ce personnage est l’élément déclencheur de ce film, comme un modèle qui l'anime dans son rapport à la montagne : “C’est ce style de vie de Marco, mettre du rock’n’roll où il ne faut qu’il y en ai”. Un dénominateur commun des protagonistes du film, mais aussi du réalisateur : “Sans connaître la montagne, le premier mec qui était accroché dans ma chambre, comme Damien, c'était Marco. C'est la première icône de ce sport que j'ai connu physiquement et à travers mon grand frère."
UN FILM À L’IMAGE DE SES PROTAGONISTES
“L’idée c’était de poser le décor et laisser les protagonistes dire et vivre sans les diriger. Pas de tabous, tels qu’ils sont, c’est dérangeant, c’est vrai, mais l’idée était que ce soit le plus sincère possible.” À l’encontre du monde d’aujourd’hui, où la perfection des réseaux sociaux devient omniprésente dans le cinéma, ce film met en lumière des personnalités authentiques. Aurélien Collet, aussi derrière la caméra explique : “Quand on sent qu’il y a des rebondissements, il ne faut pas couper. J’avais une proximité avec eux, ils oubliaient parfois que j’étais là.” On plonge aussi dans l'histoire à travers un montage décousu, à l’instar de ces jeunes prêts à casser les codes : “J’aime bien un peu tout péter et tout envoyer bouler quand c’est intéressant de le faire. On sait être sérieux quand il faut l’être et on sait faire n’importe quoi quand on a le droit de le faire.”
“Si on peut le faire pas très sérieusement, ça m’arrange !”
Avec un avenir prometteur, Damien, Mathieu et Jules nous promettent un ski à la fois technique et librement assumé. En attendant :
“D’autres problèmes à signaler ?”
Le synopsis du film :
Des sommets de Chamonix aux cimes majestueuses de l’Himalaya indien, trois jeunes skieurs de pente raide ont un rêve audacieux : conquérir à ski la redoutable face nord du Nun-Kun. Cet imposant double sommet s’élève à plus de 7 000 mètres, avec une pente vertigineuse de 1 600 mètres à 55 degrés. Sur les traces des pionniers de l’alpinisme, leur ambition se heurte à la dure réalité de la haute montagne himalayenne. Une mauvaise gestion de leur permis d’ascension les oblige à prendre une décision difficile. Face à cette contrainte inattendue, ils réajustent leur itinéraire initial et partent dans une nouvelle direction, dépassant leurs espérances initiales.
Texte de Eloïse Picard