Publié le 8 avril 2025
La kayakiste française, Nouria Newman, sacrée championne du monde de kayak enduro en Colombie
Crédit photo : © Red Bull Content Pool
Interview

La kayakiste française, Nouria Newman, sacrée championne du monde de kayak enduro en Colombie

Retour sur sa victoire au Samaná Fest, son film Big Water Theory et ses futurs projets
EXTRÊME, SPORTS NAUTIQUES
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Environnement, Kayak, Actualité

C’est en Amérique latine qui fallait avoir les yeux la semaine dernière pour le prestigieux Championnat du Monde de Kayak Enduro organisé dans le cadre du Samaná Fest, en Colombie. Sur les rives du canyon de Tupion, la française Nouria Newman a démontré une maîtrise technique et une endurance remarquable jusqu’à décrocher la victoire. Rencontre avec une athlète plutôt badass 

Crédit photo : ©Alexis Plastik

VICTOIRE !

Fin mars dernier, Nouria s’élançait sur la ligne de départ de la mass start aux côtés de plus de 70 athlètes internationaux, tous animés par la même ambition : dompter les eaux déchaînées de Colombie. Ce jour-là, le format de course était inédit pour elle. “D'habitude, on fournit vraiment un effort très court qui est presque plus proche de ce que je faisais en slalom par rapport à ma pratique de la rivière et là c'était vraiment les premières fois où je m'engage sur des efforts d'endurance de 40 km avec un dossard.” Habituée aux expéditions en rivière où l'on gère librement son rythme, Nouria découvre une toute autre gestion de l’effort : “ Quand on part en expédition, on a des longues journées, on couvre des fortes distances mais finalement on n'a pas forcément de limite de temps où en fait c'est à nous de bien calculer notre stratégie, pas être pressé et pas être forcé de devoir avancer trop vite et d'être dans un effort trop intense. C’est bien de toujours se garder de la marge.” Le kayak enduro se déroule sur le même type de parcours technique et engagé que le kayak extrême classique, à la différence près que l’effort s’étale sur près de 40 km, au lieu des quelques minutes habituelles. 

Dès le départ, les embarcations sont propulsées dans des rapides exigeants, où les courants éliminent les concurrents au compte de goutte. Nouria parvient à tirer son épingle du jeu et termine parmi les 15 premiers, décrochant ainsi son ticket pour la finale. Cette dernière se déroulait sur le canyon du Tupion, un tracé de classe 5 long de 7 km – le niveau de difficulté maximal en eau vive : “Je n'ai pas beaucoup d'expérience et du coup, j'étais hyper stressée au départ, pas forcément dans une optique de faire un bon résultat mais vraiment dans l'optique déjà de savoir est-ce que je peux essayer d'aller vite et tenir jusqu'au bout ?”

j'étais hyper stressée au départ, pas forcément dans une optique de faire un bon résultat mais vraiment dans l'optique déjà de savoir est-ce que je peux essayer d'aller vite et tenir jusqu'au bout ?

Crédit photo : © Samaná Fest

Nouria prend le départ de la finale. Lors du mass start, tout ne se passe pas comme prévu : “J'ai eu une période vraiment hyper difficile pendant la course. J'ai eu beaucoup de chance parce qu'au moment où je partais trop vite et que je commençais à me sentir mal partir, à être malade et à avoir des doutes sur ma capacité à finir la course, il y a un jeune Colombien qui m'a doublé et donc c'est comme en vélo en fait tu peux prendre l'aspiration des autres donc il m'a laissé prendre sa vague et à un moment il regarde derrière il voyait que je décrochais et du coup au lieu d'accélérer et de me laisser derrière lui il a ralenti et lui m'a tiré et ça m'a permis de me refaire. On a fait une partie de la course en se relayant pour faire la vague.” Portée par cet élan d’entraide, la jeune femme finit par remporter la finale devançant la Néerlandaise Vera Knook et la Française Juliette Bernot.

Pour la première fois, le Samaná Fest accueillait le Championnat du Monde de Kayak Enduro. Au-delà de la compétition purement sportive, l’événement porte un message puissant en faveur de la préservation de l'environnement. La Samaná Nord étant le seul cours d’eau reliant les páramos de la cordillère centrale des Andes aux marais de la Magdalena, garantit un apport crucial d'eau pure et oxygénée pour la biodiversité exceptionnelle de la région. Ce lien intime entre sport et nature, les kayakistes le ressentent profondément. Ils naviguent au cœur de cette biodiversité luxuriante, qui donne toute sa beauté, toute sa vérité à leur discipline : “On aime faire du kayak mais ce qu'on aime peut-être encore plus encore c'est les rivières qui nous permettent de faire ça et d'être heureux. On a une empreinte carbone qui n'est pas irréprochable justement pour se déplacer sur ces rivières-là, mais on est aussi aux premières loges des changements. Et donc forcément, il y a ce besoin aussi de vouloir protéger la rivière alors qu'on n'est pas non plus parfait. un peu plus important pour essayer de ne pas détruire les dernières rivières intactes.”

Crédit photo : ©Alexis Plastik

ACTION !

Originaire de Val d’Isère, cette kayakiste s’est imposée, au fil des rapides et des années, comme une figure emblématique et pionnière du kayak extrême. Son palmarès impressionne : quintuple championne du monde de kayak extrême, vice-championne du monde en 2013 et championne par équipe de slalom en 2014  en 2016 et 2024, sept fois sacrée championne du monde de slalom par équipe… Autant de titres qui esquissent à peine l’étendue de son talent.

Crédit photo : © Emile Dominé AADO

Cette année, l’athlète Red Bull présente le film d'Émile Dominé Big Water Theory, à l’affiche du festival Montagne en Scène. Au cœur de ce film : l’Indus, fleuve mythique et redouté, qui serpente entre le Tibet et le Pakistan, dans les profondeurs du massif himalayen et de Karakoram. L’une des rivières les plus extrêmes au monde, connue autant pour sa beauté brute que pour sa dangerosité. Un terrain d’aventure ultime, à la mesure de son engagement : “ce qui était vraiment plus marquant, c'était la taille de cette rivière beaucoup plus puissante que tout ce que j'avais connu avant. Tout est plus gros et il faut vraiment passer cette espèce de barrière changer d'échelle et de repaires pour avancer et donc ça c'était vraiment quelque chose de compliqué. Mais j'aimerais bien y retourner, c'était vraiment incroyable.” Les liens se créent et ne se dénouent jamais vraiment, c’est avec nostalgie que Nouria revient sur cette expérience : “de pouvoir vraiment avoir cette équipe de soutien sur la route avec Emile qui filmait, mais surtout les conducteurs et guides locaux  qui nous suivaient un peu tout du long. Quand tu partages deux-trois semaines entières avec des gens, des liens forts se créent forcément. Moussa, par exemple, nous a invités à passer la nuit chez lui, dans son village, avec sa famille. C’était une vraie immersion, une autre manière de comprendre le monde. Très différente de ce qu’on connaît chez nous.”

Crédit photo : © Emile Dominé AADO

Big Water Theory dépasse largement le simple récit de voyage. Le film se veut aussi pédagogique, une plongée en profondeur dans une discipline souvent méconnue : “au lieu de se concentrer vraiment que sur l'action, comme on le fait d'habitude, on a filmé le reste. Et pour Emile, le réalisateur, ce qui l'intéressait, c'était vraiment les moments en marge des gros rapides comme nos analyses, nos prises de décisions, pour monter en quoi consiste vraiment la descente d’une rivière comme l’Indus. Et c'est vrai qu’Emile a montré en quoi consiste vraiment la descente de gros rapides.”

Avec de nouveaux défis en vue, elle reste fidèle à son engagement et à son amour pour l’aventure avec une prochaine expédition en Himalaya, envisagée pour l’automne.

 

Texte de Eloïse Picard

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