Le ski de fond a le vent en poupe. Exalté par ces champions de biathlon qui égayent nos week-ends d’hiver. Enhardi par l’avènement d’un mode de vie plus durable et responsable dont l’un des piliers est la reconnexion à la nature. Le ski de fond avance vent dans le dos. La Haute-Savoie est l’un des berceaux de cette pratique traditionnelle qui connait aujourd’hui une seconde jeunesse. Le département l’a compris et, à travers le travail de la structure Haute-Savoie Nordic, assume et valorise cet héritage. Rencontre avec Guillaume Maurel, le Directeur de Haute-Savoie Nordic, cette association qui coordonne, développe et promeut les 24 domaines nordiques du département depuis 1985.
PISCINE MUNICIPALE, ANTONIN GUIGONNAT & « SLOW TOURISM »
Pouvez-vous nous décrire la mission de l’association Haute-Savoie Nordic dont vous êtes Directeur ?
De façon très synthétique, il s’agit de coordonner et développer les 24 domaines nordiques et 29 foyers de ski de fond implantés sur notre territoire. Depuis 1974 et la création des Moises, le premier foyer de ski de fond ayant vu le jour en Haute-Savoie, au-dessus de Thonon, nous sommes le bras armé du Conseil Départemental en ce qui concerne le ski de fond. C’est à dire la structure chargée de promouvoir et organiser la pratique. Car il faut savoir que, contrairement aux remontées mécaniques en ski alpin, les domaines nordiques constituent, à l’image d’une piscine municipale, un service public.
Contrairement à ce que l’on pourrait croire, les domaines nordiques ne se limitent pas uniquement à des kilomètres de pistes entretenues où il est possible de pratiquer le ski de fond…
Effectivement, c’est bien plus que cela ! Ce sont des lieux de vie, de rencontres et d’aventures. Déjà, par définition, le ski de fond renvoie à toutes les activités non-motorisées liées à la neige, et qui ne sont pas du ski alpin. La pratique de la raquette par exemple relève de notre fait. Mais elle est gratuite, contrairement au ski de fond, si important pour nous, car c’est le sport avec un accès payant, celui sur lequel nous reposons pour viser un modèle économique à l’équilibre.
On a l’impression que le ski de fond a le vent en poupe ces dernières années. Avez-vous des statistiques ou des indicateurs objectifs qui le prouvent ?
Oui ! Tous les indicateurs confirment cette impression un peu globale diffusée par la défense d’un mode de vie plus responsable et tourné vers la nature. Nous avons cumulé 390 000 « journées-skieurs » la saison dernière, ce qui représente une hausse de près de 14% par rapport à la moyenne des 5 années précédentes ! Et pour la première fois, le chiffre d’affaires de notre réseau associatif a dépassé la barre symbolique des 2 millions d’euros. Donc clairement, il y a un réel engouement, et il se matérialise dans les chiffres…
Comment expliquez-vous ce succès du ski de fond ?
Depuis 5 ans, on constate effectivement un essor assez incroyable. Une des principales explications, ce sont les résultats de nos champions de biathlon, de Martin Fourcade à Antonin Guigonnat, l’enfant du pays. Ensuite, l’accessibilité liée à la proximité des lieux de pratique et au coût abordable d’un Nordic Pass, la possibilité d’avoir « sa dose » en moins de 2h et cette reconnexion à une nature préservée sont autant d’arguments qui expliquent notre dynamique actuelle. Nous n’avons pas attendu que le « slow tourism » soit conceptualisé pour en défendre les principes. Tous ces éléments rajeunissent l’image du ski de fond. D’une discipline contemplative plébiscitée par un public assez âgé, il s’est mué en sport tendance voire branché ! C’est surprenant de voir combien notre image et donc notre clientèle se rajeunissent !
DIVERSIFICATION, PETITE DEMI-HEURE & MANQUE DE NEIGE
Quels sont les combats que vous menez actuellement ? Quelles sont vos perspectives pour les années à venir ?
L’objectif est triple. Tout d’abord, nous allons tâcher d’entretenir cette dynamique par notre travail de promotion et de communication. Ensuite, notre rôle va se révéler crucial auprès des domaines installés plus bas en altitude, dont la pratique du ski de fond devient de moins en moins aisée, faute de neige. Nous voulons les accompagner dans leur processus de diversification vers un site d’activités de reconnexion à la nature multi-saison. Enfin, nous défendrons avec toujours autant d’ardeur le projet « savoir skier » qui assure l’accès au ski scolaire. Car tout jeune haut-savoyard de 5ème, peu importe son niveau social, doit avoir eu l’opportunité de découvrir le ski, car ceux-ci constituent l’ADN de notre territoire.
Quelles actions mettez-vous en place pour pallier au manque de neige, une problématique qui semble de plus en plus prégnante ?
La diversification nous paraît être la clé. D’abord, une diversification des activités proposées sur les domaines nordiques, pendant toute l’année, avec notamment du Trail, de la randonnée, une offre gastronomique… Puis, une diversification des publics ciblés : aujourd’hui, chaque haut-savoyard a un site de pratique accessible à moins de 30 minutes de chez lui ! Tout le monde peut venir et y trouver son intérêt, la respiration de sérénité recherchée. Nous devons continuer à proposer une offre hivernale la plus large possible, car la neige reste notre cœur de métier, sans oublier de déployer notre attractivité via d’autres activités.
Pensez-vous que votre activité et l’essor du ski de fond vont subir de plein fouet la crise sanitaire actuelle ?
Je ne pense pas ! Et nous allons tout mettre en œuvre pour que ce soit le contraire… C’est difficile de se prononcer dans un tel contexte d’incertitude. Là où je suis sûr néanmoins, c’est que le ski de fond coche toutes les cases anti-Covid. On le pratique à proximité de chez soi, en plein air, avec très peu d’interfaces entre le moment où l’on sort de la voiture et celui où l’on débute sa session, dans un sens de circulation unique qui limite les croisements, avec un très faible risque d’accident et un Nordic Pass rechargé en ligne sur internet sans passage en caisse ! Bref, laissez-nous ouvrir et laissez les haut-savoyards skier !