Publié le 20 juin 2024
L’ultra-ascension des Alpes :  de la Méditerranée au lac Leman, il n’y a qu’un pas !
Crédit photo : © Alps Divide
Interview

L’ultra-ascension des Alpes : de la Méditerranée au lac Leman, il n’y a qu’un pas !

L’ultra-ascension des Alpes : de la Méditerranée au lac Leman, il n’y a qu’un pas
VTT CYCLISME
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Aventurière, ultra-cycliste, chef d’entreprise, top model, enthousiaste, autodidacte, Katie-Jane se conjugue au pluriel. Celle qui fut la première femme à marcher la totalité de la Grande Muraille de Chine n’était pas vraiment conditionnée à devenir une aventurière. Aujourd’hui basée dans les Alpes françaises, l’ancienne cavalière de l’équipe britannique jongle entre ses activités de guide de haute montagne et celle d'organisateur. Car cette année, cette touche à tout de l’aventure organise la première édition de l’Alps Divide, une épreuve VTT d’ultra-endurance de plus de 1 000 kilomètres entre la Méditerranée et le lac Léman. L’occasion de combiner ses deux amours : la montagne et le vélo. Rencontre avec cette cycliste « ultra-normale » aux mollets d’argent et au cœur en or.

Crédit photo : © Alps Divide

DÉCOUVERTE ET INSOUCIANCE

Avant d’aller plus loin, j’aimerais savoir comment est-ce que tu vas ?

Je vais bien, je sors d’un hiver très chargé. Avec mon partenaire Lee nous gérons une entreprise de ski hors-piste. Nous organisons des voyages pour nos clients dans les plus beaux endroits du monde comme le Japon, la Norvège mais aussi autour de chez nous dans les Alpes françaises, suisses, italiennes et autrichiennes.

Dans quelques semaines, nous partirons avec Lee pour parcourir une dernière fois la route de Alps Divide et je dois avouer que j'ai vraiment hâte de sortir les vélos ​​car je n’ai pas vraiment eu le temps de pédaler cet hiver !

J'ai commencé par de grandes expéditions dans des parties très reculées du monde

Pour celles et ceux qui ne te connaîtraient pas, qui est Katie-Jane ?

Je me décrirais comme une aventurière. Je réalise des aventures depuis plus de 20 ans maintenant. J'en ai fait mon métier d'une certaine manière pendant toutes ces années. J'ai commencé par de grandes expéditions dans des parties très reculées du monde, j’ai traversé des continents, des montagnes, le pôle Nord et toutes sortes de choses fantastiques comme ça. Puis au fil des ans, j'ai un peu ralenti et je suis tombée amoureuse de la pratique du vélo, mais plus spécifiquement du cyclisme longue distance. Lorsque je me suis installé en France je ne connaissais personne. C’est alors que quelqu'un m'a offert un vélo et une inscription à l’étape du Tour comme cadeau de Noël. On m’a dit que le meilleur moyen de rencontrer des gens dans les montagnes c’était de se mettre au cyclisme. C’est ce que j’ai fait et c'est comme ça qu’ont débuté mes aventures à deux roues.

 il a réussi à me convaincre de manière très désinvolte que c'était une très bonne idée d'abandonner ma vie de mannequin

Crédit photo : © Alps Divide

J’aimerais revenir un peu en arrière. Tu as fait parler de toi car tu as été la première femme à marcher toute la Grande Muraille de Chine. Qu’est-ce qui t’as conduit à réaliser cette aventure hors-norme ? Tu t’es réveillée un jour en te disant « c'est ça que je vais faire » ? (sourires) À l’époque tu travaillais dans la mode en Angleterre, loin des grands espaces et de la nature, une vie aux antipodes de ce que tu es aujourd’hui.

 

Oui, c’était très différent ! À l’époque, lors de vacances au ski à Courchevel, j'ai rencontré un français nommé Taka. Il était un aventurier à plein temps. Il avait gravi l'Everest et se préparait à être la plus jeune personne à atteindre le pôle Nord. C'était son monde. Et je ne sais plus trop comment, il a réussi à me convaincre de manière très désinvolte que c'était une très bonne idée d'abandonner ma vie de mannequin relativement bien payée et glamour pour partir en expédition avec lui. (rires) Mais à ce moment-là je n’étais pas prête à marcher jusqu’au pôle Nord. J’avais cette liste de choses à voir dans le monde, comme beaucoup de gens. Et j'ai dit naïvement « pourquoi ne pas marcher sur la Grande Muraille de Chine ? » Je pensais que ce serait une question de semaines. J'étais tellement naïve. Je n'avais aucune idée. Nous avons mis 167 jours pour compléter les 4 500 kilomètres…

Nous avons mis 167 jours pour compléter les 4 500 kilomètres

Crédit photo : © Alps Divide

C’est à partir de là que tout a basculé ?

Exactement. J'ai pratiquement arrêté le mannequinat tout de suite après. C’était en 2006. J'ai commencé à vivre des conférences. J’allais dans les entreprises, les écoles, les festivals d'aventures etc.

 

Est-ce que tu as perçu que tes expéditions venaient bousculer les croyances d’autres femmes dans leur capacité à entreprendre de grandes choses ?

En 2006 les réseaux sociaux n’existaient pas tel que nous les connaissons aujourd’hui. Nous avions un site internet avec un blog pour partager nos histoires, c'était très différent. La communication se faisait dans les journaux, la télévision, les émissions matinales, les programmes de cuisine, etc. C'était ça la presse de l'époque. Cela restait moins accessible que ce que les réseaux sociaux peuvent nous permettre à l’heure actuelle. J'étais cependant une jeune femme très différente des autres femmes qui faisaient l'Everest ou le pôle Nord. Je n'avais pas l'apparence de « l’aventurière typique ».

Cette transition de mannequin à une vie d’aventures était probablement plus inspirante pour les gens et plus proche de leur réalité que si j’avais grandi alpiniste ou aventurière. Donc oui, je pense que ça a été utile.

J'étais une jeune femme très différente des autres femmes qui faisaient l'Everest ou le pôle Nord

Crédit photo : © arielwojciechowski_com

LE DÉBUT DE LA SUITE

Vient ensuite la grande rencontre avec l’ultra-cyclisme. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?

Après que l’on m’est offert un vélo et suite à ma participation à l’étape du Tour, j’ai découvert la Transcontinental en 2015. Je crois que c’était la troisième édition de cette course de 4 000 kilomètres qui traverse l’Europe à vélo. À ce moment-là j’avais très peu d’expérience mais parce que j’avais fait des expéditions je savais que mentalement j’étais assez forte et je me suis lancée comme ça. C’est là que ma vie a vraiment pris un tournant en faveur du vélo. 

Crédit photo : © Silk Road

Nous sommes maintenant en 2024, quasiment 10 ans plus tard. Tu t’es forgé une solide expérience en vélo avec de nombreux voyages en bikepacking, des ultras aussi comme la Transcontinental ou encore l’Atlas Mountain Race, cette course de VTT à travers l’atlas maroccain, quelles sont selon toi les grandes différences entre ces pratiques ?

L’ultra représente pour moi une expérience unique qu’il est difficile de décrire. Vous dormez dans des endroits où vous ne dormirez jamais normalement. Vous mangez des choses qui sont vieilles de trois jours au fond de votre sac. (rires) C'est magique et j'adore ça ! C'est pour cette raison que je me décris comme une aventurière. J'adore l'inconnu. J'adore résoudre des problèmes. J'adore la survie. J'adore l'aspect primitif de manger, bouger et dormir sans aucune autre préoccupation.

Quand je fais du bikepacking seule ou avec des amis, je passe un moment merveilleux et je vois des endroits incroyables et j'aime chaque seconde mais ça ne me donne pas cette expérience si particulière que l’on vit en course lorsque le chronomètre est enclenché. 

Je veux juste que les gens fassent du vélo dans un bel endroit et passent un bon moment. C'est ça l'Alps Divide !

À CHACUN SON AVENTURE

C’est cette passion qui t’a amené à créer l’Alps Divide ? Peux-tu nous dire de quoi il s’agit et ce qui se cache derrière l’Alps Divide ? 

Crédit photo : © Alps DIvide

C’est exactement pour ça que j’ai créé l’Alps Divide avec mon compagnon Lee Townend, parce que je souhaitais que plus de gens expérimentent ce que j’avais ressenti. L’Alps Divide avant d’être un ultra c’est avant tout un itinéraire que tout le monde peut suivre à n’importe quel moment (lorsque les cols ne sont pas enneigés). Je voulais créer un parcours qui soit praticable, challengeant mais qui aille également dans des endroits préservés et moins connus. Ce parcours de VTT, c’est en somme un mélange des atouts du GR5 et de la route des Grandes Alpes avec des vues incroyables. Mais à cause de mon amour pour les ultras, la camaraderie et les défis, il était logique d'organiser un ultra.

Donc si je résume l’Alps Divide c’est à la fois un itinéraire, un ultra et un rallye ?

Oui c’est ça ! Je pense que cela donne à tout le monde une option pour profiter des Alpes. J'ai de nombreux amis qui me disent que l’ultra n’est pas pour eux. Je voulais donc créer quelque chose qui soit inclusif et accessible à tous. En 2025 nous organiserons un rallye, où il n’y aura pas de limite de temps mais avec un départ groupé pour celles et ceux qui veulent rouler avec cet esprit de camaraderie. Nous avons fait le choix d’organiser cette partie l’année prochaine car pour la première édition nous avions déjà énormément de choses à gérer.

La plupart des traversées des Alpes sont orientées vers le sud. Le GR 5, la route des Grandes Alpes, etc. L’Alps Divide en revanche commence à Menton et se termine à Thonon-les-Bains. Pourquoi avoir choisi cette orientation du sud vers le nord ?

Si vous vous aventurez seul sur le parcours, vous avez le choix de le faire dans le sens qu’il vous plaît. Les montées seront toutefois beaucoup plus agréables et moins raides si vous allez du sud vers le nord. Lorsque nous avons créé le parcours nous l’avons pensé pour qu’il soit le plus ludique possible et qu’il offre des ascensions qui puissent se réaliser sur le vélo sans devoir poser pied-à-terre et pousser. Ce qui, dans le sens nord-sud est beaucoup plus marqué. Et enfin d’un point de vue logistique, Menton est une ville touristique très fréquentée. Il est beaucoup plus difficile de trouver un hébergement abordable si vous arrivez potentiellement sans réservation, et vous n'aurez peut-être pas de place où dormir. Alors que Thonon-les-Bains offre plus d’options d'hébergement accessibles en dernière minute.

un mélange des atouts du GR5 et de la route des Grandes Alpes avec des vues incroyables

Crédit photo : © Alps DIvide

C'est un sujet qui a déjà été soulevé dans la communauté du trail running. « Comment préserver l'esprit du sport ? ». Ces deux dernières années ont vu croître le nombre d’événements d’ultra-distance. Quel est ton regard sur ces évolutions en tant qu'organisateur mais aussi en tant que participante à ces événements ?

L’Alps Divide est une association sportive à but non lucratif. Nous ne serons jamais une entreprise commerciale. Nous sommes un petit groupe de bénévoles qui dévouons beaucoup d'heures par passion et je ne peux pas imaginer que cela change. Organiser un événement commercial de grande envergure en France est très compliqué. Donc d'une certaine manière, nous sommes aussi involontairement forcés de rester une plus petite structure, plus centrée sur sa communauté. D’autres événements en revanche grandissent et deviennent de vraies entreprises. Je ne pense pas que ce soit bien ou mal, c'est juste différent. Il n’existe pas de modèle parfait. 

Sur la page Instagram de l’événement, tu as récemment communiqué à propos de l'équipe média qui travaillera avec toi et Lee.

Crédit photo : © ospreyimagery

En quoi ces aspects de communication et de marketing sont-ils importants en tant qu'organisateur ?

Pour moi, il y a deux raisons pour lesquelles nous avons une équipe média : la première en tant qu'organisateur, j'aimerais avoir de belles images et vidéos pour promouvoir l’itinéraire afin que plus de gens viennent découvrir les Alpes et puissent les apprécier dans toute leur splendeur. L’autre raison c'est qu'en tant que participante, j'ai toujours eu hâte que le photographe publie ses photos à la fin de l’événement pour voir s'il y en a une de moi. Ces aventures sont souvent difficiles à expliquer aux gens. Les photos nous permettent de mieux documenter notre histoire. Lors de nos discussions avec l’équipe média nous avons abordé ces points afin de nous assurer de photographier la totalité des coureurs, pas seulement ceux à l'avant, pas seulement ceux qui seront en difficulté, mais que tout le monde puisse être pris en photo à un moment donné.

Si tu avais un conseil à donner à quelqu'un qui débuterait dans l'ultra-cyclisme ou dans les aventures à vélo, que lui dirais-tu ? 

Mangez plus ! Mes échecs lors de mes premiers événements provenaient tous du fait que je ne m’alimentais pas assez ou pas correctement. Alors mangez plus et n’hésitez pas à vous arrêter pour prendre un vrai repas ! 

Texte de Thomas Boury

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