À la base, nous voulions rédiger son portrait. Nous trouvions le clin d’œil drôlement espiègle. Inverser le paradigme. Dessiner l’esquisse de celui qui d’habitude photographie les autres. Pourtant, après un échange d’une texture déconcertante, nous nous sommes ravisés. Quoi de plus fort que de laisser la parole à celui qui maitrise aussi bien la profondeur de champs que celle des discours ? Justin Galant a seulement 21 ans mais fait preuve d’une troublante maturité. Il a du génie en lui. La preuve en mots. La claque en images. Quitte à rassurer les nostalgiques régressifs. Vous savez, les désenchantés qui affirment que « c’était mieux avant ». Ne vous inquiétez pas l’équipe : avec ce genre de jeunes, demain, ce sera également très bien…
« S’installer dans l’épicentre de la Diagonale de l’Outdoor »
« J’ai commencé la photo très tôt, dès l’âge de 14 ans. Porté par ma vocation, j’ai effectué des études sur le sujet, de 18 à 20 ans, à Biarritz. Mon profil est atypique au sens où j’ai suivi un cursus académique très classique dans un univers riche d’autodidactes, qui se découvrent généralement un talent de dingue plus tardivement et le façonnent ensuite sur le terrain, sans passer par les bancs de l’école. Originaire des Cévennes, je suis venu m’installer à Annecy, l’année dernière, après mon diplôme car – au-delà du fait que j’aime cet endroit – il se révèle stratégique : c’est l’épicentre de ce que j’appelle la Diagonale de l’Outdoor, cette banane frénétique, entre Grenoble et Chamonix, où beaucoup de choses se passent niveau montagne. »
« Être le petit jeune dans un groupe de personnes plus âgées, c’est une chance ! »
« À 12 ans, je me suis passionné d’astronomie. Pour nourrir cette nouvelle lubie, mes parents m’ont inscrit dans un groupe d’observation. La moyenne d’âge atteignait aisément la soixantaine. J’ai adoré. J’y ai vécu ce que j’éprouve aujourd’hui en photographie : lorsque tu as 21 ans - que tu as faim et que tu te montres à l’écoute - les personnes déjà établies te partagent leur expérience avec beaucoup de bienveillance. Ils veulent te mettre la basket à l’étrier. De mon côté, qu’il s’agisse de clients ou d’amis photographes, réciproquement, je sens que je leur apporte quelque chose. Je n’évoquerais pas un vent de fraîcheur mais une vision différente et une acuité pour les réseaux sociaux, qui prend sa source dans ma jeunesse. J’ai de la chance : tu nais digital native, tu ne le deviens pas… »
Lorsque tu fais du trail, tu vas toujours vers quelque chose : un sommet, un point de vue, un endroit précis.
Ma volonté profonde, c’est de fondre le sujet dans l’élément, fédérer l’Homme et la nature.
« Rapprocher l’Homme de son état de nature »
« Cela peut paraître pompeux ou philosophique avancé comme cela, mais il faut me laisser l’opportunité de m’expliquer (Clin d’œil) ! Ma volonté profonde, c’est de fondre le sujet dans l’élément, fédérer l’Homme et la nature, le rapprocher au plus près de ce qu’il était au moment de sa création : un animal connecté à son environnement. Pour répondre à cet objectif, il existe un concept que je suis comme une étoile du Nord, un point cardinal en somme : l’équilibre. Cet équilibre, je le définirais comme l’harmonie globale entre un paysage, ses formes, ses couleurs, et un personnage, qui va s’incruster intuitivement au bon endroit, au bon moment, avec la bonne foulée, dans ce cadre. »
« Le trail est un voyage. Quand tu pars courir dans la nature, tu as une destination en tête. »
« J’ai mis le doigt dans le trail à l’âge de 17 ans, suivant mon grand frère qui débutait dans cette discipline. J’ai instantanément accroché. Pour plusieurs raisons. La simplicité et l’accessibilité de ce sport te permettent, en un sens, de revenir en moins d’une heure à cet état sauvage primitif, comme une parenthèse de quiétude que tu ouvres quand et où tu veux, en chaussant des baskets, dans un monde de plus en plus sophistiqué. La deuxième chose, c’est la capacité du trail à décupler le champ des possibles et des émotions : c’est comme une randonnée, mais amplifiée. Tu vas plus vite ! Tu vas plus loin ! Enfin, la dernière réflexion qui s’est récemment imposée à moi comme une évidence réside dans l’aspect voyage. Oui, en réalité, chaque sortie est un petit voyage ! Quand tu cours sur la route, tu vises une ligne d’arrivée, un bien-être, un chrono... Lorsque tu fais du trail, tu vas toujours vers quelque chose : un sommet, un point de vue, un endroit précis. On peut le dire, ce qui compte en trail, c’est la destination ! »
RETOUR SUR LA COUVERTURE DE CE NUMERO DE PRINTEMPS
« On court toujours après quelque chose, un endroit radieux, où vivre un moment solaire, hors du temps... »
« Le soleil d’hiver se couche sur la côte Atlantique. Je suis aux Trois Couronnes, un sommet emblématique du Pays basque espagnol. Ce cliché regorge de chance puisque c’est une photo de moi-même, réalisée avec un trépied. Je shootais en rafales, avec l’idée d’incruster le coureur dans le soleil. Je savais la tentative audacieuse et le rendu hyper aléatoire. Finalement, ça a fonctionné malgré le fait que les 30 autres images de la série se soient révélées bonnes pour la ‘Corbeille’. Ce que j’aime particulièrement, c’est ce personnage qui s’efface au profit de la lumière. D’une certaine manière, c’est l’allégorie de ce que je décrivais précédemment : on court toujours après quelque chose, un endroit radieux, où vivre un moment solaire, hors du temps… »