Publié le 25 mars 2025
JB Liautard : Interview du photographe perfectionniste dans l'âme
Crédit photo : © JB Liautard
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JB Liautard : Interview du photographe perfectionniste dans l'âme

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Beaucoup se demandent comment naissent ses images saisissantes. Pour Jean-Baptiste, préférez plutôt Jb, Liautard la réponse réside dans un équilibre subtil entre rigueur et instinct, anticipation et adaptation. Lui qui est en constante quête de perfection,  il façonne chaque cliché avec une précision méticuleuse. Rencontre avec un photographe qui ne laisse presque rien au hasard.

Crédit photo : © JB Liautard

D’abord, revenons un peu sur ton histoire. Peux-tu te présenter ? 

Je viens du Sud-Est de la France, de Romans-sur-Isère, et je vis aujourd’hui à Valence. Photographe depuis dix ans, et ça fait huit ans que c’est mon métier. Je travaille principalement dans les sports outdoor, l’aventure et l’extrême, des domaines qui me passionnent. Après avoir pratiqué le VTT longtemps, j’explore depuis deux ans d’autres horizons photographiques !

Avant de te lancer dans la photo, c’est le vélo qui t’a d’abord animé, un sport qui te suit encore aujourd’hui ?

Effectivement, j’ai commencé le vélo avant la photo. À côté de chez mes parents, il y avait un petit spot avec des gars qui roulaient, et ça avait l’air dingue ! Comme tout débutant, les vélos étaient moins performants à l’époque et mon budget était limité, alors j’ai acheté un vélo chez Intersport. Avec deux, trois copains, on a commencé, et petit à petit, on a changé de matos. On s’est mis au freeride et on a commencé à creuser nous-mêmes.

J’ai lu quelque part que tu avais commencé la photo après un crash en vélo. Tu peux nous en parler ? 

Un jour, je me suis cassé la clavicule, un accident assez classique quand tu fais du vélo. J’avais 14 ans et à ce moment-là, pour rester avec mes potes, je me suis acheté une GoPro. J’allais les filmer et je faisais des captures d’écrans pour sortir des photos. Il n’y avait pas de mode photo à l’époque, c’était la GoPro 1, ça remonte un peu… 

Y a-t-il des athlètes ou des pionniers du vélo qui t’ont inspiré ?

À l’époque, je n’avais pas vraiment d’inspirations visuelles. J’ai baigné dans l’univers du vélo, et j’étais fan de gars comme Brandon Semenuk, bien connus dans le milieu. Je regardais des films de vélo, mais ce n’est pas vraiment ce qui m’a poussé à faire de la photo. En fait, c’est plutôt en voyant des photographes capturer nos sessions que j’ai commencé à m’intéresser à leur matériel. Quand j’ai réalisé que ça me plaisait vraiment, je me suis acheté le même appareil qu’eux et j’ai démarré comme ça !

Comment ton chemin a-t-il évolué jusqu’à devenir photographe professionnel ?

À 18 ans, j’avais le choix entre un nouveau vélo ou un appareil photo, et j’ai choisi l’appareil photo. Au départ, je m’orientais vers des études d’ingénieur, j’avais fait un Bac S, mais après six mois de prépa, j’en ai eu assez et j’ai eu envie de me consacrer à la photo. J’ai tout plaqué et je suis parti faire de la photo tous les jours (rires). Ensuite, j’ai envoyé plein de demandes de stage, la plupart sont restées sans réponse, mais j’ai fini par bosser avec le plus gros média VTT de l’époque, dans le cadre d’un stage non rémunéré. J’avais les accréditations pour les événements, etc. C’était en parallèle de mes études, car j’ai fait un BTS photo à Lyon. Je commençais à travailler pour quelques magazines, à me rapprocher d’athlètes professionnels, à devenir amis avec eux. Au début, je photographiais des athlètes qui grandissaient en même temps que moi, ce qui me permettait d’avoir des cyclistes forts à photographier, et eux, de gagner en visibilité grâce aux photos publiées. La vraie transition est venue après mes études. La marque de vélos Commencal avait besoin d’un photographe, j’ai passé un entretien, et j’ai commencé à bosser avec eux.

J’ai tout plaqué et je suis parti faire de la photo tous les jours

Crédit photo : © JB Liautard

Qu'est-ce que la photographie représente pour toi, tant sur le plan artistique que personnel ?

C’est une question compliquée… La photo, c’est une forme d’expression plus concrète que la peinture, par exemple. Ici, tu es rattaché au réel, aux contraintes techniques, c’est un mélange de défi et de moyen d’expression. C’est aussi une façon de voir le monde. Je ne sais pas si c’est ma manière de regarder les choses qui m’a poussé vers la photo, ou si c’est la photo qui m’a amené à voir les choses différemment. La photo aujourd’hui, c’est… ah, c’est compliqué (rires)... Je n’ai pas vraiment de réponse précise… Mais ce que je peux dire, c’est que depuis que je fais de la photo, ma façon d’aborder chaque jeu de lumière, chaque ambiance a changé. Quand je regarde un film, je vois des données techniques qui se forment dans ma tête, j’analyse beaucoup plus en profondeur. Je ne sais plus qui a dit ça, mais la photo, c’est l’art de remarquer les choses. Aujourd’hui, il y a beaucoup de beauté autour de nous, mais nous n’avons pas tous un œil éduqué pour la percevoir.

Quel équipement, appareil photo et objectifs utilises-tu habituellement ?

J’utilise du matériel Canon, j’ai toujours eu des appareils de cette marque, même avant de devenir ambassadeur pour eux. Aujourd’hui, j’ai un Canon EOS R3 et un EOS R5, des appareils photo numériques plein format. Ce sont des modèles à la pointe de la technologie, avec une rafale rapide et une excellente gestion de la basse lumière. Ils sont aussi très robustes, ce qui me permet de travailler dans des conditions de pluie, de froid ou de chaleur. Côté objectifs, j’en ai pas mal, allant du grand angle aux téléobjectifs. Ceux que j’utilise le plus souvent sont le 16-35 mm et le 70-200 mm, car ils sont très polyvalents. Mais j’utilise aussi beaucoup de focales fixes comme le 35 mm, le 50 mm ou le 85 mm, surtout pour les portraits et les reportages. Si tu me demandes quel est mon objectif préféré, je te dirai que je n’en ai pas vraiment. Je me trimballe toujours avec plein d’équipements. En plus de ça, j’ai des flashs, des machines à fumée, des miroirs, des filtres spéciaux…

À ce sujet, tu utilises une technique assez unique consistant à accrocher un flash à un drone. Travailles-tu seul ou avec une équipe pour ce type de prise de vue ?

J’ai la chance d’avoir de temps en temps des assistants, souvent les gars qui filment à côté, mais c’est rare qu’on soit sur des productions assez grosses pour justifier ce besoin. C’est un peu l’école de la débrouille et de la bricole. Souvent, je suis seul, avec l’appareil dans une main ou sur un trépied. Je fais voler le drone en tenant la télécommande sous mon bras, tout en compensant et prenant la photo. Il ne faut pas imaginer un énorme drone avec un flash, accompagné de deux opérateurs en gilets jaunes. Ça reste assez artisanal, je mets deux élastiques pour faire tenir mon flash et voilà !

Je ne sais pas si c’est ma manière de regarder les choses qui m’a poussé vers la photo, ou si c’est la photo qui m’a amené à voir les choses différemment

Crédit photo : © JB Liautard

Dans une interview, tu mentionnais que tu arrivais souvent plusieurs heures avant la séance pour t’assurer que tout soit prêt. J’ai aussi l’impression que tu visualises beaucoup les images à l’avance. Peux-tu nous parler de ton processus créatif et de ta façon de travailler ?

Sur un shooting, l'inspiration peut venir de deux choses. D’abord, il y a une liste d’idées que j’ai déjà testées, ratées ou envisagées. Je passe énormément de temps chez moi, à chercher sur l’ordi, sur Google Earth, pour trouver des idées. Pendant des semaines, je peux ne rien trouver, mais souvent, c’est quand je fais autre chose que l’inspiration frappe. Ensuite, il y a l’inspiration qui vient du terrain, de la direction artistique du shooting, qui peut être imposée par un DA, un brief ou moi-même. C’est un mélange d’anticipation, de préparation aux imprévus, et d’inspiration immédiate sur place. Il y a aussi de l’adaptation, en fonction de la météo par exemple, et je pense que ça se ressent dans mes images. J’aime aussi faire du reportage, des portraits des gens autour, des behind the scenes. Et puis, il y a des photos plus travaillées, presque comme des tableaux, où tout est pensé en termes de géométrie – parfois, je vais même cacher un caillou avec un morceau de mousse. J’essaie d’avoir un maximum de choses bien préparées sur le terrain, plutôt que de tout refaire en post-production.

Tu as remporté plusieurs prix notamment le prestigieux Red Bull Illume, que t’apportent ces prix, une motivation supplémentaire, une reconnaissance ? 

J’aimerais que ça me rapporte plus (rires). Avant, tu pouvais gagner des prix intéressants, mais aujourd’hui, à part un trophée, tu n’as plus vraiment de gain. Quand j’ai commencé la photo, je voyais les gars qui gagnaient ces concours et je me disais « wow ! ». C’était une vraie motivation, et si un jour j’arrivais à faire partie de ces gars-là, ce serait incroyable. Lors de ma première participation, je n’ai eu aucune photo en demi-finale, et ça apprend l’humilité, car on a souvent l’habitude que les gens nous disent qu’ils aiment ce qu’on fait, et on oublie qu’il y a des tonnes de gens qui font des choses tout aussi bien. Souvent, dans ces concours, ils n’autorisent aucune modification des images : tu ne peux ni déplacer ni supprimer des objets. Dès 2016, je me suis dit que pour participer à ces concours, il fallait que je réfléchisse différemment dans ma façon de faire mes photos. Cet aspect a vraiment influencé ma manière de prendre mes clichés et mon perfectionnisme dès la prise de vue. Je ne me permets pas de modifier les photos d’action, sauf pour les photos de produits, en studio notamment. Si je ne gagne pas un concours demain, ce n’est pas la fin du monde. Ce qui est certain, c’est que ça nous donne de la visibilité et de la crédibilité. Il y a plein d’excellents photographes qui n’ont jamais gagné un concours de leur vie, car la photo reste très subjective. Si on s’arrête aux concours, on peut vite partir en dépression (rires). 

Après c’est con mais il faut juste être gentil et ne pas se prendre pour ce qu’on est pas, on fait des photos, on ne fait décoller pas des fusées

Crédit photo : © JB Liautard

Tu travailles souvent avec des athlètes. Quelle relation as-tu avec ceux que tu photographies ? Est-ce qu'on finit par se connaître par cœur avec le temps ? Et en quoi cela t'aide dans ton travail ?

Ça aide beaucoup, surtout que je viens du vélo, on a une culture commune, des références partagées. Quand je travaille avec un athlète que je connais bien, l’ambiance est plus détendue, mais ça reste toujours professionnel. Les shootings sont rarement stressants, sauf si ça ne se passe vraiment pas bien, et dans ce cas, on parle beaucoup. La communication est essentielle, je prends toujours le temps d’expliquer ma démarche à l’athlète avant de commencer. Connaître les athlètes me permet aussi de les pousser davantage, surtout pour ceux qui évoluent en Coupe du monde où la sécurité prime. Avec les freeriders ou des potes, on est plus en mode : “allez fais pas chier remonte” c’est plus décontracté.

Ton métier te permet de voyager à travers le monde. Quel endroit t’a particulièrement marqué, que ce soit pour sa photogénie ou les défis du terrain ?

J’ai eu la chance de voyager dans des lieux incroyables.  C’est vraiment un avantage de faire ce boulot et de bosser avec des marques qui ont assez de budget pour nous envoyer là-bas. Les déserts de l'Utah aux États-Unis, par exemple, sont fascinants. Ce sont des paysages que nous, Européens, ne connaissons pas vraiment, et leur photogénie est unique. On se retrouve à photographier des éléments tout simples, comme des pancartes, parce que tout y a un potentiel visuel, un peu comme les Américains qui prendraient des photos de nos villages en France. Le Canada m’a aussi marqué, notamment avec ses forêts brumeuses, des endroits où je me sens vraiment bien. Mais le moment le plus marquant reste sans doute le shooting sur le volcan avec Kilian Bron. C’était risqué et c’était une chance sur un million de pouvoir réaliser cette photo. La photo de la dune et aussi la Turquie avec les montgolfières, ce sont des endroits atypiques. 

Pour finir, aurais-tu des conseils à donner aux jeunes photographes qui souhaitent se lancer dans la photographie de sports extrêmes ?

Oui, j’en ai plein ! D'abord, il faut le faire par passion, pas pour l’argent. C’est un milieu très irrégulier, où tu peux travailler beaucoup pendant un moment puis plus rien pendant plusieurs mois. Il faut être super motivé. C’est cliché de ouf de dire ça mais je dédie ma vie à ça et demain si je ne suis plus payé je continuerai à faire des photos . Même aujourd’hui, je démarcher des clients et je montre mon travail, même si ce n'est pas dans ma nature. Le marketing fait aussi partie du boulot : tu peux être un super photographe, mais si tu ne sais pas te vendre, tu n’avanceras pas.Après c’est con mais il faut juste être gentil et ne pas se prendre pour ce qu’on est pas, on fait des photos, on ne fait décoller pas des fusées.  La communication est essentielle, avant, pendant et après le shooting. Pour les jeunes, il faut vraiment être motivé, s'entourer des bonnes personnes, se rapprocher d'athlètes, de sponsors, et travailler avec des marques. Enfin, montrer leur travail au plus d’endroits possibles : expositions, Instagram, Tik Tok, j’en sais rien je ne suis pas dessus mais j'imagine que c’est ça maintenant (rires). Mais surtout, il faut garder sa personnalité pour se démarquer.

 

Texte de Eloïse Picard

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