Honothing else matters. Rien d’autre n’a d’importance. Sauf l’océan et la pureté du mode de vie sur lequel il permet de surfer. C’est là le sens de Hono, un film qui retrace le voyage de cinq athlètes, virtuoses de l’eau sous toutes ses formes et peu importe la planche, en Polynésie. Un documentaire à la découverte d’un paradis des activités aquatiques, à la rencontre d’un peuple amphibie. Entre énergie mystique, vagues puissantes et francs moments de camaraderie, Jérémy Teulade et Mathieu Crépel nous racontent ce projet de film qui réconcilie l’esthétique au message et nous plonge en terre watermen, en immersion là où rien ne compte plus que l’océan.
Voilier, déconnexion & feel good movie
Racontez-nous la genèse du projet ? Où et quand est née l’idée de ce trip ?
Mathieu Crépel : Étant une pièce rapportée du projet, je vais laisser Jérémy détailler cet aspect… (Sourire)
Jérémy Teulade : C’est un projet imaginé avec mon frère, que l’on souhaitait initialement réaliser tous les deux, il y a 3 ans. Nous avons entamé les premières démarches en 2020, pour qu’il se concrétise, finalement, en février 2022. D’abord reporté par la Covid, nous avons eu l’envie d’ouvrir le voyage à un groupe plus large, avec des athlètes issus de disciplines différentes : le paddle, le surf, le bodysurf, le foil…
MC : Ayant intégré le Team Oxbow, partenaire principal du film, en décembre, je n’étais pas prévu sur ce trip. Malheureusement, Pierre Rollet, le surfeur de grosses vagues, s’est blessé. On m’a présenté cette opportunité de partir en Polynésie en plein hiver alors que la saison de snowboard battait son plein. Après quelques secondes de réflexion, je l’ai saisie !
Ce film les apaise, leur donne le sourire... Hono, c’est un feel good movie !
Pouvez-vous nous énoncer le pitch cette aventure en quelques
Pouvez-vous nous énoncer le pitch cette aventure en quelques mots ?
JT : C’est l’histoire de cinq français – aux parcours de vie bien distincts, chacun avec leur discipline de prédilection – qui partent en Polynésie pour creuser, auprès d’un peuple originel, leurs passions de la glisse et de l’océan.
MC : Difficile de faire plus synthétique et percutant que ce résumé ! On peut éventuellement rajouter que le trip a duré 3 semaines – 1 sur Tahiti, les 2 autres en itinérance sur un voilier – et qu’il fut parsemé de rencontres marquantes de watermen locaux.
En quoi Hono se différencie-t-il des films de surf classiques ?
MC : Les films de surf plus « classiques » racontent souvent la quête d’un ou d’une athlète qui met tout en œuvre pour surfer « la vague », celle qui habite ses rêves… Le fil conducteur et le scénario sont dictés par la concrétisation de cette performance. Ici, on s’attache à un collectif, à une équipe qui part à la rencontre de la culture polynésienne, mais sans prétention de résultat. Nous racontons une histoire d’aventure humaine simple et authentique. Sans suspens lié à la réussite ou non de l’objectif. Sans pression : il s’agit juste de profiter et de découvrir !
JT : Il se démarque car, généralement, un film de surf compile une succession de tubes, de belles manœuvres, d’images « waouh »… On retrouve dans Hono cette démarche esthétique avec des plans d’une poésie et d’une beauté incroyables, mais connectés entre eux via un véritable liant : nos histoires et nos rencontres.
MC : Dès les premières diffusions au cinéma, nous avons reçu de super réactions spontanées du public. Ce film les apaisait, leur donnait le sourire… Hono, c’est un feel good movie !
Waterman, égoisme & addiction
Hono est une immersion en terre des watermen. Qui sont-ils ? Comment les définir ?
JT : Un waterman, c’est un amoureux des sports aquatiques. Il aime profondément l’océan et le partager. Il ne s’agit pas nécessairement d’une question de niveau ou de performance mais plutôt de passion, d’un amour véritable, teinté de respect.
MC : Être un waterman, c’est un lifestyle, un mode de vie quotidien. Vivre en harmonie dans et de l’eau. Il y a également une notion de savoir-faire et de savoir-être dans l’océan, un grand respect et beaucoup d’humilité vis-à-vis de l’élément mais aussi des autres pratiquants.
Tous les surfeurs ne sont pas des watermen et réciproquement, tous les watermen ne sont pas des surfeurs ?
JT : Exactement. Les watermen ont une pratique plus diversifiée. Ils savent jouer avec l’énergie de l’eau – les courants, les marées, les vagues – peu importe le support et la discipline. D’une certaine manière, on peut considérer que les surfeurs sont monothéistes, tournés exclusivement vers un sport, vers une seule manière de s’amuser dans l’océan.
MC : C’est ça. Le surfeur, que je suis, exerce un sport : le surf. Le waterman, lui, s’épanouit dans l’eau. Il intègre l’océan comme l’élément central de son mode de vie.
Un waterman, c’est un amoureux des sports aquatiques. Il aime profondément l’océan
et le partager
Dans le film, Ludovic Dulou considère qu’un waterman est nécessairement « égoïste par essence ». Pouvez-vous nous compléter cette observation ?
MC : En préambule, je pense qu’il est important de préciser que Ludo utilise le terme « égoïste » de façon positive, aux antipodes de la connotation négative que ce terme peut revêtir dans l’inconscient collectif. Selon moi, il souhaite souligner l’engagement individuel total et l’investissement en temps qui sont recommandés pour atteindre un tel niveau d’expertise et de savoir-faire. Mais il en va de même pour le musicien, le sculpteur, l’athlète de haut-niveau ou toute pointure dans son domaine. D’ailleurs, je le rejoins : j’ai la conviction que c’est en s’accomplissant soi-même, en se sentant bien dans ses baskets, que l’on s’ouvre à l’autre et que l’on s’épanouit avec lui.
JT : Nous sommes égoïstes car l’on sait par quoi passe notre bonheur : être dans l’océan. Mais cela ne veut pas dire que la quête de ce bonheur se fasse au détriment des autres. Nous sommes tellement accrocs à l’eau et aux sports aquatiques que nous ne pensons qu’à ça : matin, midi, soir, et même la nuit.
Berceau, mystique & mana
Pourquoi être aller en Polynésie ? En quoi cet archipel peut-il être considéré comme la terre originelle des watermen ?
MC : L’océan est inscrit dans leur ADN. Il y a une part d’adaptation et de génétique dans le rapport qu’ils entretiennent avec celui-ci. D’une certaine manière, la nature les a contraints à vivre ainsi : les centres des îles, par leurs montagnes très raides et leur jungle particulièrement dense, sont hostiles à la présence humaine. Ils se sont donc installés sur le lagon et y ont développé leur mode de vie. Nager, ramer et pêcher, pour eux, ce ne sont pas des loisirs, mais la réponse à des besoins primaires.
JT : Cet aspect originel réside également dans le fait que les Polynésiens sont les premiers à avoir dompté les vagues. On associe souvent les origines du surf à Hawaï alors qu’en réalité, le berceau des sports aquatiques se situe également ici, dans cet archipel. Il faut dire qu’ils bénéficient d’un paradis propice à toutes les pratiques…
Comment définiriez-vous leur rapport à l’eau ?
MC : Il n’est pas fondamentalement différent du nôtre mais complémentaire. Comme nous, ils la considèrent et la respectent comme une condition sine qua none à leur bonheur. Néanmoins, les polynésiens – et j’ai déjà constaté cela lors de mes immersions auprès d’autres peuples originels afin d’observer leur rapport à la nature – ont tendance à beaucoup la personnifier. Ce n’est pas religieux, mais mystique et spirituel. Ils m’inspirent un rapport extrêmement sain à la nature : au lieu de se mettre au-dessus en essayant de la contrôler, ils se positionnent au cœur, voire en dessous. Comme de petits êtres humains conscients de leur vulnérabilité au regard de la puissance de l’environnement qui les entoure. C’est impressionnant : les polynésiens passent littéralement leur journée dans l’eau… Ils sont encore plus accrocs que nous !
JT : La connexion mystique mentionnée par Mathieu m’évoque cette attitude lors des créneaux d’énormes swell, lorsque l’océan se réveille de vagues gigantesques : ils n’ont pas peur, il y a une certaine forme de fatalité et d’optimisme, l’océan leur est si proche qu’il les ramènera forcément à la maison…
Les watermen recherchent et expérimentent le Mana. Pouvez-vous nous expliquer ce concept ? Et quelles sont les rencontres marquantes que vous avez fait à ce sujet ?
JT : Le Mana, c’est une énergie que l’on ressent sous forme d’ondes puissantes lors d’un instant de connexion profond et véritable avec la nature. C’est se sentir fort et aligné au contact des éléments. La rencontre avec ce navigateur très expérimenté ayant vécu le Mana de façon très intense lors de ses traversées solitaires à la voile, entre les lagons, guidé uniquement par les étoiles, est certainement celle qui m’a le plus inspiré…
MC : Le Mana, tu ne le rencontres pas au coin de la rue… Genre "Hey, salut ! Ça va ? Ça te dit de venir jouer avec moi ?"… Il s’agit plutôt d’une quête éternelle, infinie, que tu intègres comme la boussole de ta vie. C’est très personnel : tu vas pouvoir ressentir cette plénitude à des moments où les amis qui t’accompagnent, eux, ne l’expérimentent pas. Et réciproquement : un pote va prendre un pied incroyable lors d’une session, alors que de ton côté, le sentiment sera plus mitigé du fait que tu avais, ce matin-là, l’esprit occupé par autre chose.
JT : Et ta rencontre marquante du coup ? Car tu n’as répondu qu’à la moitié de la question… (Sourire)
MC : Très certainement Gilbert Teave… Ce gamin a 16 ans mais il dégage une aisance, un bien-être et une fluidité dans l’eau qui ne peuvent être acquis que si tu vis en harmonie avec l’océan depuis la naissance. C’est hallucinant : toi tu te fais découper par des ondes ultra puissantes, et lui, il donne l’impression de jouer dedans !
Quel était votre objectif personnel derrière ce film et plus globalement cette aventure ? Et considérez-vous l’avoir atteint ?
JT : Pour moi, c’était très clair. Se perdre en voilier avec des potes, découvrir un peuple et scorer des vagues. Se déconnecter de notre monde pour se reconnecter pleinement à la nature. C’est réussi, j’ai vécu des moments d’une grande pureté.
MC : J’étais moi aussi dans un objectif de découverte. D’un archipel et d’une culture que je ne connaissais pas, mais également d’un collectif d’athlètes que j’intégrais pour la première fois. Sur ces deux aspects-là, je me suis régalé. Et j’espère qu’il en sera de même pour les personnes qui verront le film !
Le Mana, c’est une énergie que l’on ressent sous forme d’ondes puissantes lors d’un instant de connexion profond et véritable avec la nature.
HONO
Disponible sur la chaîne Youtube de Oxbow et ci-dessous
• Réalisation : Alexandre Heitler • assistant Réalisation : Pierre Frechou
• Production : Smog Films, Stéphanie McKenna, Corentin Lauret, Production Oxbow
• Durée : 52min
Reportage Baptiste Chassagne