Au coin de la rue, il y a cette petite route qui descend doucement sur la campagne et disparait au détour du bois, là-bas. Et puis, il y a ce sentier qui serpente entre les arbres et s’enfonce dans l’ombre de la forêt. Une forêt oblique où chaque pas semble nous rapprocher du ciel. La trace s’estompe au fur et à mesure et débouche sur un alpage éclatant. Au loin, le sommet couronne ce panorama enchanteur. Il n’a jamais été aussi proche... L’aventure verticale commence, les prairies laissent place à la roche et chaque pas résonne avec échos au-dessus du paysage. Tout là-haut, l’horizon se dévoile, des nouveaux sommets apparaissent, de nouveaux possibles et de nouveaux chemins se dessinent à flanc de montagne, l’aventure continue.
Pourquoi ne se contenter que d’une seule destination ? Pourquoi d’ailleurs choisir une destination ? Pourquoi n’avoir qu’un seul objectif ? Pourquoi se limiter à une pratique ? Pourquoi partir loin, quand tout pourrait commencer ici et maintenant, au seuil de sa porte ? Le voyage en itinérance nous amène là où on ne s’attendait pas aller et là où l’on veut aller ! Il n’y a plus qu’à choisir le moyen ; en marchant, en courant, en roulant ou en volant, le relief et les éléments dictent l’envie, pour le reste, il suffit de profiter, il n’y a aucun autre objectif…
Anthony Komarnicki est l’un de ces personnages pour qui l’aventure s’écrit dès le premier pas et pour qui chaque minute de gagné est autant de temps perdu… « Touche à tout et bon à rien » comme il le dit lui-même, il ne cherche pas l’exploit, ni les records, il veut simplement découvrir la nature environnante et s’y épanouir avec les moyens à sa disposition : ses pieds, son vélo, un parapente, un kayak… À chaque nouveau sentier, ses nouvelles découvertes, à chaque saison, ses nouvelles couleurs, à chaque journée, sa météo, à chaque instant, son humeur… Le voyage en itinérance et le combo des pratiques offrent une aventure à chaque minute et subliment les paysages.
Aller un peu plus loin pour voir derrière l’horizon
Originaire de la région lyonnaise, Anthony baigne dans le sport depuis son plus jeune âge, il pratique des sports d’endurance ; de l’aviron et de l’athlétisme entre autres pratiques à ciel ouvert. Adolescent, ses parents lui offrent son premier vélo de route et les dimanches après-midi deviennent des moments d’évasion avec toujours l’envie d’aller un peu plus loin pour découvrir ce qui se cache derrière l’horizon… Et une question s’installe dans un coin de sa tête et ne le quitte plus : « Et si je ne rentrais pas ? » Non pas comme un ado qui fugue, mais juste parce que la route continue… « Je voulais faire une pause pour la nuit et repartir du même point pour continuer l’aventure. »
Quelques années plus tard, il regroupe ses économies, s’équipe du matériel nécessaire et s’aventure sur le tour des Écrins pour vivre l’expérience de l’itinérance en autonomie. « C’était l’effervescence, il y avait ce mélange de liberté et de découverte. Tout concordait. » À partir de ce jour, il va consacrer tout son temps libre pour partir en randonnée, d’abord à pied ou à vélo, puis à ski, puis en parapente et en kayak, jusqu’à combiner toutes les pratiques pour ouvrir un maximum de possibles… « J’ai commencé toutes ces pratiques avec déjà en tête l’idée qu’elles allaient pouvoir me faire voyager en itinérance. Ne pas avoir à rentrer chez soi le soir procure un sentiment de liberté absolue. Je ne cherchais pas la performance, juste à passer du temps dehors, en profitant, en m’émerveillant et en prenant le temps de ralentir. Je voulais m’évader sans nul autre objectif.»
Le moins d’affaire j’ai, le mieux je me porte !
Le mouvement dans la légèreté
Liberté et légèreté sont des mots qui s’accordent souvent sur les sentiers. Et pour cause, partir sous un poids assommant de matériel n’incite pas beaucoup à la découverte. Et l’abondance de matériel coupe parfois de la réalité du moment. Anthony a cette approche minimaliste de la randonnée et du bivouac. Au-delà de la liberté de mouvement, c’est aussi un moyen d’être plus en phase avec la nature et au plus proche avec les éléments.
« Moins d’affaires j’ai, mieux je me porte ! C’est une reconnexion avec la nature, en vivant avec peu de choses et en se contentant de ce que l’on a. »
Combo gagnant
Aller plus loin, simplement et profiter du voyage avec les moyens du bord ! Ses chaussures pour marcher, son vélo pour rouler et son parapente pour voler. C’est le principe du combo.
« La démarche du combo n’a pas du tout été dans le toujours plus, elle s’est faite d’abord dans une approche pratique. J’aime bien voir le vélo comme quelque chose d’utilitaire, c’est à la fois une pratique en soi et un moyen de se déplacer ; un moyen de transport agréable pour aller faire autre chose. On peut aller skier à vélo, on peut aller marcher à vélo, on peut aller grimper à vélo, on peut aller voler à vélo, on peut même aller peindre un paysage à vélo ou lire un livre sur fond de nature. Cette alternance de pratique apporte un autre rythme et une approche différente de chaque sport. On ralentit pour écouter nos envies. L’itinéraire se dessine au gré des sensations et des conditions. »
En voyage en itinérance, le combo n’est pas une fin mais un moyen. Un moyen de se mouvoir et de s’émouvoir…
L’alternance des pratiques se dessine en fonction du terrain et des conditions météo, mais aussi et surtout de l’envie.
« Il faut aussi se donner les moyens de faire l’autre activité, savoir prendre le temps de s’arrêter pour voler. On arrive parfois au pied d’un décollage et les conditions ne sont pas toujours au rendez-vous, on peut alors soit tracer son chemin ou s’arrêter là et attendre les bonnes conditions. Il n’y a aucune obligation, c’est ce que j’aime dans le combo. Le fait de mixer plusieurs sports entraîne un autre mode de pratique… Chaque discipline est déviée de son but initial. On accepte de ralentir parce que l’on a envie de voler et on accepte de ne pas voler parce que l’on est qu’à vélo et qu’il est plus difficile d’être au bon endroit au bon moment. On se laisse alors surprendre et séduire par ce qui arrive sans rien prévoir. »
Home sweet home
L’itinérance et le combo vélo/parapente est aussi une porte sur l’aventure en bas de chez soi. Pas besoin de partir à l’autre bout du monde pour s’échapper du quotidien ! Quand on part sans idée précise du chemin, sans lieu défini où passer la nuit et sans objectif de performance, impossible de rentrer dans une routine !
Installé dans les Hautes-Alpes depuis une dizaine d’années, Anthony s’est pris au jeu de l’aventure au seuil de sa porte. Il a voulu partir en voyage chez lui. Être dépaysé dans son jardin. Il est alors parti sans date de retour avec son vélo, sa toile de tente et son parapente pour découvrir ou redécouvrir les alentours, toujours sous de nouvelles couleurs selon la saison, toujours avec un nouveau point de vue en fonction des itinéraires. Un voyage entre les massifs du Dévoluy, des Écrins et de l’Ubaye.
« Au départ, j’avais juste envie de partir de mon pas de porte avec en tête quelques endroits que j’avais envie de revoir et d’autres de découvrir. L’itinéraire s’est profilé ainsi, c’est un patchwork de petits endroits coups de cœur, reliés grâce au combo. »
Revenu des étoiles plein les yeux après trois semaines de voyage, il a trouvé juste sous son nez ce qu’il était parti chercher : l’émerveillement du voyage. Et fait ainsi raisonner le vers du poète Christian Bodin : « Le bout du monde et le fond du jardin contiennent la même quantité de merveilles. »
La solitude dehors me va bien.
Combo solo
Et la solitude dans tout ça ? Anthony a pris l’habitude de partir seul en montagne, il ne cache pas son côté ours, mais surtout ces moments en pleine nature lui offrent le temps de s’évader dans ses pensées et de considérer chaque élément du paysage.
« La solitude dehors me va bien. C’est quelque chose que j’apprécie en voyage. Et pourtant j’adorerais pouvoir partager tout ça avec un maximum de personnes, mais alors, est-ce que je vivrais aussi pleinement le voyage ? Je n’ai pas la réponse ! Et parfois aussi, quand on s’aventure près de chez soi, on croise des connaissances, on se retrouve pour un bout de route, un vol, un bivouac…C’est aussi ça la magie du voyage à la maison ! »
Et des récits d’aventure…
L’aventure en solitaire peut-être, mais une envie de raconter aussi ; de raconter ses paysages, les ascensions, les sensations, mais aussi parfois les difficultés ou les mésaventures… Anthony rapporte volontiers le récit de ses aventures, en mots ou en images. Son film Home Sweet Home, racontant cette aventure haute-alpine a fait le tour des festivals, attisant la curiosité des aventuriers aguerris, des locaux redécouvrant leur chez eux et des aventuriers en herbe. Il veut partager ses trouvailles et les trésors sur son chemin mais aussi dire à tous que le voyage est possible.
« Il n’y a pas besoin d’être un athlète de haut niveau, il faut simplement s’écouter et se faire plaisir. La destination est accessible à tous, le voyage à vélo est accessible à tous, et même le parapente ! Bien-sûr, il ne faut pas partir sans aucune connaissance, que ce soit d’ailleurs en simple randonnée ou en parapente, mais le vol rando peut s’aborder tout en douceur. Alors profitons sans pression et amusons-nous dehors ! »
INSOLITE : FLYING BIKE
Il y a donc le combo bike and fly, qui consiste à alterner le vélo et le parapente pour voyager et découvrir un endroit en roulant et en volant.
Et il y a le flying bike by Eliot Nochez et Kilian Bron !
Jamais en manque d’imagination quand il s’agit de repousser les limites de leur sport, les deux compères ont eu la brillante idée de faire un vol tandem ensemble en s’envolant avec la voile d’Eliot évidemment et le vélo de Kilian !
De la folie pour certains, du génie pour d’autres, on ne saura jamais ce qui a bien pu traverser l’esprit de ces deux-là ! Une chose est sûre, ils ont réussi une prouesse de haut vol et redéfini la notion de combo bike and fly…