Surfeur aventurier, Erwan Simon a fait de l’insolite sa marque de fabrique. Ce qui l’attire ? Aller là où personne n’a jamais surfé et même, là où personne n’a jamais imaginé surfer ! C’est ainsi que son chemin l’a mené jusqu’aux rives de la mer Caspienne au Kazakhstan, en plein cœur des terres de l’Asie centrale… Retour sur un surf trip extraordinaire.
Le Kazakhstan Terres étendues et identité profonde
Des montagnes de l’Altaï aux rivages de la mer Caspienne, le Kazakhstan s’étend au centre de l’Asie sur des milliers de kilomètres. Petit pays en comparaison de ses voisins russes et chinois, le Kazakhstan n’en est pas moins un grand pays à l’échelle mondiale, occupant le 9ème rang par sa superficie. Ancienne république soviétique, le pays fût longtemps associé aux heures sombres de l’URSS, les opposants au régime, groupes ethniques et déportés de guerre y étaient envoyés au « Steplag », un camp de travail sous l’administration du Goulag. Enclavé dans l’immensité de l’Asie et aux prises avec les rouages de l’histoire, le Kazakhstan affiche pourtant une identité forte, une culture ancestrale et un patrimoine naturel unique et singulier.
Une destination insolite pour le surf
Terres de nomades, dont il tire d’ailleurs son nom : « qaz » du turc ancien qui signifie « vagabonder », le Kazakhstan est dans l’imaginaire commun un pays terrestre dominé par des plaines et plateaux sans fin, malgré sa large frontière maritime à l’ouest avec la mer Caspienne, la plus grande mer fermée au monde. Juridiquement parlant la mer Caspienne n'est d’ailleurs pas une mer mais un lac, et son nom est issu des peuples antiques des Caspiens dont l’étymologie vient du mot « kas » signifiant « montagnard », difficile alors d’imaginer des spots de surf en ces lieux ! Et pourtant, c’est justement tous ces arguments qui ont incité Erwan Simon à venir fouler les terres kazakhes et chevaucher ses vagues…
Originaire du Morbihan, Erwan Simon a grandi les pieds dans l’eau. Son enfance a été bercée par le va et vient des vagues, c’est donc assez naturellement qu’il s’essaie au surf vers l’âge de 12 ans et accroche tout de suite avec cette pratique. Il s’aligne sur quelques compétitions, monte sur les podiums, mais plus que de médaille, il rêve de voyage… Il peut passer des heures à feuilleter les magazines de surf de l’époque et s’évader dans les vagues du monde à travers les récits et photos de voyage. Il laisse alors de côté la compétition pour partir à son tour explorer la planète sur des surf trip photos. Très vite, il est attiré par l’inconnu… Il laisse volontiers les vagues tahitiennes ou hawaiiennes aux autres, lui veut aller voir là où personne n’a jamais passé la douane avec une planche de surf ! Ce chemin le mène en Lybie, au Bengladesh, en Albanie, au Monténégro… Les années ont passé et Erwan a continué d’explorer ces contrées en quête de vagues cachées. Non pas les plus belles vagues, Jaws et Teahupoo n’ont pas de soucis à se faire, mais les vagues les plus improbables , il aime « surfer des vagues ordinaires dans un endroit extraordinaire. »
surfer des vagues ordinaires dans un endroit extraordinaire
Cette quête d’extraordinaire, l’a donc emmené loin de la houle océanique et de ses tumultes familiers. Il a jeté son dévolu sur les mers et lacs de la planète. La mer Caspienne, plus grande mer fermée du monde, prise au piège dans les immenses steppes de l’Asie occidentale a évidemment attiré son attention… « En étudiant les moyennes de vent, de houle, les dimensions du lac par rapport au fetch (la distance sur laquelle souffle le vent sur un plan d’eau sans rencontrer aucun obstacle), la durée et la force du vent, il était normalement possible d’avoir des vagues dans la mer Caspienne ! Il fallait que j’y aille pour en avoir le cœur net ! » En effet, si l’on s’imagine souvent que les vagues se créent sur l’océan, c’est le vent qui est à l’origine des vagues sur une étendue d’eau. De petites superficies balayées par des vents constants peuvent donc se parer de belles vagues.
Me retrouver là en plein milieu des steppes avec ma planche, entre les chevaux sauvages et les chameaux, c’était surréaliste
Mer Caspienne : un défi de taille Vent, vagues et surprises
À l’automne 2022, quand les vents déferlent sur la surface de l’eau et avant que l’hiver ne prenne ses droits et recouvre de glace les rivages de la mer Caspienne, Erwan embarque donc pour le Kazakhstan. Il part seul avec sa planche et sa caméra « partir surfer au Kazakhstan, c’est un pari. On a aucune assurance sur ce que l’on va trouver… Il peut très bien ne pas y avoir de vague ! Quand on regarde sur la carte, c’est surement l’un des pays sur terre où l’on est le plus loin des océans. C’est ce qui moi me motive, mais il y a forcément un risque de rentrer bredouille ! J’ai donc pris l’habitude de faire ce genre de voyage en solo. »
Débarqué à Aktaou, la principale ville portuaire du Kazakhstan, Erwan est accueilli par une mer d’huile, quelques doutes commencent alors à planer sur ce voyage jusqu’à ce que le vent se lève sur l’horizon et vienne onduler la surface de la mer… Eureka ! Erwan loue une voiture pour pouvoir sillonner la côte à la recherche de vagues. Un peu plus au sud, il découvre un spot désertique et prend ses premières petites vagues sur la mer Caspienne. Une ambiance indescriptible. « J’ai l’habitude d’aller dans des endroits inhabituel pour un surfeur, mais là, j’étais vraiment dans une autre dimension ! Me retrouver là en plein milieu des steppes avec ma planche de surf, entre les chevaux sauvages et les chameaux, c’était surréaliste… »
Rencontres et révélation Une aventure partagée
Ce décor aurait sans nul doute valu le déplacement même si les vagues n’étaient pas au rendez-vous, mais n’en déplaise aux médisants qui rigolaient en coin à l’aéroport, il y a bien du surf à faire au Kazakhstan ! « Évidemment, ce n’est pas Hawaii ou Tahiti, mais j’ai pu faire des vraies bonnes sessions ! » Le Breton continue son surftrip sur la côte caspienne et rencontre Azamat, un jeune vidéaste curieux de voir un surfeur ici ! Ils vont alors continuer le voyage ensemble pour capter ces moments inédits de surf au Kazakhstan. Et quand les premières images d’Azamat sortent sur la toile, c’est le buzz ! Les vidéos font le tour du pays, les médias nationaux relaient ces images insolites ; tout le monde veut en savoir plus sur cette histoire de surfeur sur la mer Caspienne ! « On me reconnaissait dans la rue, j’ai eu plusieurs demandes d’interview, c’était devenu un mini-évènement dans le pays ! »
Après ce coup de projecteur inattendu, le voyage d’Erwan se poursuit vers le sud, il passe pas mal de temps sur les routes de la côte, ici, quand on sort des grands axes, les routes se transforment instantanément en pistes sinueuses et le temps s’arrête dans ces paysages lunaires. Les vagues s’enchaînent et les décors défilent. Les villes, anciennes forteresses soviétiques, imposent leur solennité, et à l’extérieur, la dualité surprend « c’est désertique et vivant à la fois, c’est minéral et végétal à fois, c’est tout plat et puis tout à coup, tu découvres un immense canyon caché sous la surface de la terre… Les dimensions sont gigantesques, chaque élément est un petit point sur l’horizon. Les paysages sont époustouflants. »
On ne fait pas que surfer une vague, on réalise l’objet de notre désir
Une quête sans fin Chercher, trouver, surfer
Dans la steppe, seuls les chameaux et chevaux sauvages rythment le panorama, les Kazakhs se sont regroupés dans les villes abandonnant leurs origines nomades. Entre chaque session, Erwan retourne dans son camp de base d’Aktaou, dort dans des petits hôtels et se laisse à rêver au futur du surf dans le pays… « Globalement, les Kazakhs ne sont pas très tournés vers la mer, ça ne deviendra surement jamais une grande destination pour le surf, mais les activités nautiques, dont le surf, pourraient s’y développer doucement, notamment sur la côte au sud d’Aktaou, en plein essor touristique. Il y aura sans doute une petite communauté surf dans les années à venir et peut-être même une petite école, qui sait ? Je ne peux cacher ma curiosité quant aux suites du surf dans le pays après la surprise et l’engouement des kazakhs autour de la pratique lors de ma venue.»
Pari gagné pour Erwan ! Personne n’y avait pensé, il l’a fait, il a surfé au Kazakhstan, sur ces terres éloignées des océans. Sa prochaine destination ? C’est une pensée qu’il garde pour lui… L’aventure s’écrit aussi ici dans cette quête secrète, bercée par le doute et l’aléa. « Quand on trouve une vague, c’est la cristallisation de tout un processus. D’abord, on a choisi une destination, on passe des heures et des heures à faire des recherches, puis alors on se rend sur place, et c’est tout une nouvelle logistique qui se met en place pour accéder à la vague, et enfin, quand on se retrouve face à la vague après toutes ses étapes… On ne fait pas que surfer une vague, on réalise l’objet de notre désir ! Trouver une vague et la surfer. Quand on est en plus le premier, il y a quelque chose en plus ; une reconnaissance gratifiante de la communauté mais aussi de l’émerveillement dans les regards croisés, des petits trésors gravés dans la tête pour toujours… »