Plongez dans les profondeurs du Maroc, entre gorges abruptes et déserts sans fin, où une équipe de passionnés de highline s'engage dans une aventure sans pareille. Dans le récit captivant d'Antoine Mesnage, découvrez un monde où l'exploration, les défis et l’amitié se mêlent dans un ballet audacieux.
Pratiquant ce sport depuis de nombreuses années, j’ai toujours eu en tête l’idée de faire un voyage dédié à la highline. Mais pas n’importe lequel, une aventure highline 100% entre copains, dans un pays dépaysant, et à fort potentiel pour ouvrir de nouvelles lignes.
Les Passagers du Vide, c’est la fusion de compétences aussi variées que complémentaires
Préparatifs et l'esprit du collectif
C’est donc vers le Maroc que nous nous sommes envolés en novembre 2023. Derrière ce “nous”, il y a une partie de notre collectif des Passagers du Vide : Antoine Crétinon, Kérian Labeye, Matthieu Chevallier, Nicolas Berthelot, et moi-même.
Les Passagers du Vide, c’est un collectif lié par une même passion, celle de la highline et de l’esthétisme de ce sport.
Les installations complexes et pas toujours évidentes, parfois même bancales, dans des conditions pas toujours optimales, avec de grandes marches d’approche, à porter des sacs lourds, sont finalement celles dans lesquelles nous nous exprimons le mieux. Les Passagers du Vide, c’est la fusion de compétences aussi variées que complémentaires : élagueurs, cordistes, ingénieurs et photographes-vidéastes.
Une belle harmonie qui nous permet, avec passion, de rêver grand et de mener tous ces projets à bien, en installant nos sangles en toute sécurité. L’équipe enfin prête à se creuser la tête pour installer de belles highlines dans le pays, nous nous rejoignons tous à l’aéroport de Marrakech pour débuter ce beau voyage.
Histoire de pimenter un peu le début de l’aventure, nous n’avons pas encore quitté l’aéroport que les problèmes commencent. Malgré une bonne préparation en amont concernant les documents officiels demandés, la douane me confisque mon drone. Il n’y a rien à faire, nous ne volerons pas au Maroc. Cela signifie que nous n’aurons pas d’images aériennes, mais surtout que nous devrons passer toutes nos highlines à la main (et non grâce à un fil de pêche relié au drone, qui nous sert habituellement pour les installations délicates).
Une highline de 300 mètres à 200 mètres de haut, traversant les gorges
Finalement, après 10 heures d’installation, Kérian s’élance en premier sur la ligne.
Défis et découvertes dans les gorges de Todra
Avec beaucoup de frustration et après avoir râlé quelques heures sur le système administratif marocain, nous récupérons enfin notre voiture, et partons en direction des gorges de Todra. C’est ici que nous établirons notre Camp de base pour 10 jours.
Le lendemain, nous partons en repérage. Nous découvrons le canyon imposant qui rend célèbre la vallée. Deux grandes falaises de plus de 200 mètres, ou l’on peut y voir des grimpeurs profiter du calcaire adhérant, pour ne pas dire coupant, et au fond du canyon, une petite route, permettant aux voitures et aux voyageurs de passer, et aux vendeurs de tapis d’exposer leurs stands colorés. Notre objectif est alors clair : ouvrir la plus belle ligne de la vallée.
Une highline de 300 mètres à 200 mètres de haut, traversant les gorges, plein gaz ! Mais en redescendant, on nous informe que les règles de la région ont changé : pour installer une highline, il faut désormais demander des autorisations.
Et là, c'est le grand plongeon dans la paperasse marocaine. Une journée de safari bureaucratique, à courir de bureaux en bureaux, à jouer à cache-cache avec les autorités locales – le Kaid, le Cher, le Mkadem, le gouverneur... chacun se renvoyant la balle pour
finalement nous laisser sans nouvelles. 4 jours que nous sommes ici, et toujours au point mort. Nous décidons alors de nous éloigner un peu de la gorge de Todra, trop visible du bas, pour aller mettre une première petite ligne de 80 mètres, Plus discrète. Une magnifique ligne, très esthétique, qui ferme un V bien marqué.
Nous n’avons évidemment pas pris de perforateur pour percer la roche et installer nos spits d’ancrages. Ce sera donc à l’aide d’un tamponnoir, et au marteau que nous ferons tous les points d’ancrage. Au rythme d’un point par heure, nous mettrons 6 heures pour percer 6 trous, pour enfin pouvoir installer notre première highline. Bien méritée !
Exploration dans le désert de Merzouga
Dès le lendemain, nous repartons pour une nouvelle ouverture. La ligne de la veille était très belle, mais assez courte. Ce serait dommage de ne pas profiter de toute la sangle que nous avons amenée de France. Une équipe de Polonais avait déjà ouvert une ligne de 170 mètres sur un autre sommet, et nous avait expliqué ne pas avoir pu tendre plus long pour cause de manque de matériel. Nous profitons donc de ces informations pour monter et installer une ligne de 250 mètres, encore une fois, plein gaz.
toujours avec cette même ambiance : celle d’être entouré de copains heureux d’être ensemble, attendant chacun son tour
Je vous épargne les galères qui deviennent habituelles avec le manque de matériel : un passage de ligne (sans drone) bien exposé, à contourner la falaise, effectué avec brio par Antoine, puis après quelques cloques et quelques crampes, pour percer de nouveau des trous à la main dans un calcaire bien solide.
Finalement, après 10 heures d’installation, Kérian s’élance en premier sur la ligne. Nous le voyons doucement se rapprocher de nous, jusqu’à le voir s’asseoir au bout de la ligne, sans être tombé : c’est un flash ! Les traversées s'enchaînent alors rapidement, toujours avec cette même ambiance : celle d’être entouré de copains heureux d’être ensemble, attendant chacun son tour, puis de se retrouver dans sa bulle, seul sur la ligne, au moment venu. Nous désinstallons finalement de nuit, et entamons un retour chaotique au village.
Dernière aventure à Jbel Saghro
Après avoir remercié les locaux pour leur accueil chaleureux, notamment Hadi, guide local, qui nous aura aidés à taper quelques coups de marteau, et après 10 jours à s’imprégner des gorges de Todra, entre highline, et escalade sur un rocher absolument parfait, nous partons en direction du désert de Merzouga. L’objectif ? Installer une highline entre deux dunes de sable.
Pour ceux qui voudraient se lancer, voici le mode d’emploi :
• Se rendre au milieu du désert. L’aide de dromadaires peut être utile.
• Trouver deux dunes plus ou moins éloignées, bien raides où établir un camp.
• Creuser dans le sable pour mettre des sacs qui serviront de corps morts. C’est la partie à la fois amusante et un peu angoissante. Notre ancrage se résume à du sable, dans des sacs, enterrés dans du sable. Il faut y croire !
Après avoir déchiré quelques sacs, déraciné notre ancrage et creusé plusieurs fois des trous, jamais assez profonds, nous finissons par établir une ligne, que nous jugeons suffisamment « safe ». Je m’élance finalement le premier sur cette ligne de 150 mètres, à 20 mètres de haut. La ligne est dure, l’effet élastique des cordes utilisées pour les ancrages la rend très dynamique, et difficile à maîtriser. J’arrive finalement au bout, sans tomber, ouvrant le bal des traversées. Ça tient, c’est fou !
Notre ancrage se résume à du sable, dans des sacs, enterrés dans du sable. Il faut y croire !
Nous profitons du coucher de soleil avant de passer la nuit sous les étoiles, seuls, au milieu du désert. Le lendemain, nous profitons de la fraicheur du matin pour nous refaire de petites traversées, avant de désinstaller, et de retrouver nos dromadaires pour rentrer au village.
11 jours passés au Maroc, et déjà 3 nouvelles lignes ouvertes et installées. Il est temps de prendre doucement la route du retour. Mais sur le chemin, en regardant les cartes, nous repérons un spot où nous pourrions installer la dernière ligne de notre voyage, la cerise sur le gâteau : Jbel Saghro. Nous n’avons qu’une journée pour équiper, marcher, et désinstaller cette nouvelle ligne.
Le lieu est magnifique, le caillou beaucoup moins. Un conglomérat cassant à en faire des cauchemars. Il va falloir être malin pour trouver des ancrages résistants. Après des heures de perçage à la main, avec notre fidèle tamponnoir, nous finissons finalement par installer une belle ligne de 80 mètres, qui conclut avec brio cette aventure entre copains.
Encore une fois, malgré les différents points d’ancrage répartis de part et d’autre, nous effectuons tous une traversée délicate, paniqués à l’idée de mettre du poids supplémentaire sur ces nouveaux ancrages.
La ligne est dure, l’effet élastique des cordes utilisées pour les ancrages la rend très dynamique, et difficile à maîtriser
Finalement, après un beau combat, Matthieu perd l’équilibre et tombe : rien ne bouge, comme d’habitude, ça tient ! Nous rentrons ainsi avec des souvenirs pleins la tête et une profonde envie de revenir. Pour couronner le tout, et à ma grande surprise, je récupère même mon drone à la douane !
Finalement, la highline était un beau prétexte. Pour se retrouver, comme des aventuriers, à explorer les lieux sauvages marocains, où seulement quelques Berbères promènent leurs chèvres. Pour se retrouver, pendant 15 jours, à partager des moments uniques et précieux entre amis. Pour que notre cher Kérian, alias Kéké, puisse ramener une djellaba qu’il adoptera comme pyjama dès son retour. Pour engloutir un vaste choix de tajines et couscous à longueur de journée. Pour chercher, encore un peu, le sens de l’équilibre et du déséquilibre. Enfin, pour aller vivre et admirer, une fois de plus, la beauté de l’inutile.
Bref, cette aventure highline au Maroc a été bien plus qu'une simple quête d'équilibre sur des lignes tendues, mais un voyage d'exploration, d’amitié et de découverte de soi-même, dans des paysages sauvages couplés des rencontres authentiques. Choukran !